Irak : Même officiellement terminée, la guerre continue19/06/20032003Journal/medias/journalnumero/images/2003/06/une1820.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Irak : Même officiellement terminée, la guerre continue

Plus de deux mois après la chute du régime de Saddam Hussein, les troupes anglo-américaines n'ont toujours pas trouvé le moindre indice de l'existence des fameuses "armes de destruction massive" au nom desquelles des dizaines de milliers d'Irakiens ont été massacrés au cours des derniers mois. En revanche, de jour en jour, les mêmes autorités anglo-américaines n'en finissent pas de trouver de nouveaux foyers de résistance à l'occupation impérialiste.

C'est ce que l'on peut constater à en juger par la chronique de la semaine du 9 au 16 juin, telle qu'elle est rapportée par les communiqués du Pentagone, que l'on ne peut guère soupçonner d'exagération dans ce domaine.

Le 10, deux soldats américains étaient tués dans une attaque au mortier contre un casernement situé au nord de Bagdad. Le lendemain, 11 juin, un hélicoptère Apache était abattu par un missile sol-air au cours d'une opération de "ratissage" dans l'est de la capitale. Ce jour-là, à Bagdad, deux soldats américains étaient grièvement blessés au cours d'une patrouille. Toujours le même jour, 4000 hommes de troupe étaient engagés dans la plus importante des opérations depuis la chute de Bagdad, dans la région longeant la frontière syrienne. Parmi leurs cibles, un hameau en ruine, prétendument transformé en "camp d'entraînement terroriste" -bilan au terme de 48 heures de bombardements: 80 morts et pas un seul survivant, donc pas de témoin gênant susceptible de dire le contraire! Le 14, lancement d'une nouvelle opération militaire américaine d'envergure, baptisée cette fois "Scorpion du Désert", avec perquisitions systématiques des habitations dans la ville de Fallujah, à la recherche d'armes. Non loin de là, à Balad, un convoi militaire américain était attaqué au lance-missile, tandis qu'à Mossoul, dans le nord, un soldat américain était grièvement blessé par un franc-tireur. Ce jour-là, le flot de pétrole brut dans le pipe-line reliant Kirkouk à la Turquie s'arrêtait brutalement. Ledit pipe-line avait été attaqué à l'explosif en deux endroits.

Et sans doute n'est-ce encore là que la partie visible de l'iceberg -ce que l'état-major américain veut bien montrer.

Les officiels du Pentagone et la presse aux ordres répètent que ces tentatives de résistance armée ne font que marquer les derniers soubresauts du régime de Saddam Hussein. Quiconque prend les armes contre les troupes d'occupation ne peut être, selon eux, qu'un sbire de Saddam, voire d'al-Qaeda! Tout comme il va de soi que les hommes et les femmes qui continuent à tomber sous les balles américaines en Afghanistan, dix-huit mois après la "fin de la guerre", sont des "Taliban".

Seulement la propagande officielle est une chose et la réalité en est une autre. Or tout indique que, même si elles n'ont sans doute pas encore affaire à une résistance armée très organisée, les troupes d'occupation anglo-américaines ont à faire face à l'hostilité non pas seulement d'une faction ou d'un courant politique, mais d'une partie de la population.

En témoigne par exemple l'échec du haut-commandement américain dans sa tentative d'obtenir de la population qu'elle rende les armes dont elle dispose. À l'issue du délai fixé, au-delà duquel la détention d'armes devient un délit passible de prison, à peine plus d'un millier d'armes de toute nature avaient été rendues, alors même que, dans les bazars des quartiers pauvres de Bagdad, les armes automatiques de l'ancien régime sont en vente libre pour une bouchée de pain.

En témoignent également les manifestations qui continuent à se multiplier dans le pays. Le 14 juin, à Mossoul, par exemple, les milliers de fonctionnaires et d'anciens militaires qui ont défilé, les uns pour obtenir le paiement de leurs salaires et les autres le droit à un emploi, et qui ont bien failli s'affronter avec les troupes américaines retranchées dans leurs casernements, n'étaient certainement pas tous, et de loin, des partisans de Saddam Hussein ni des terroristes. Pas plus que les 10000 manifestants qui ont défilé dans Bassora, le dimanche 15 juin, pour réclamer la mise en place d'autorités élues et la réparation des infrastructures publiques.

Plus le temps passera et plus les troupes d'occupation apparaîtront pour ce qu'elles sont -les vigiles des trusts contre les peuples de la région. Qu'est-ce qui empêchera alors cette population irakienne, qui n'a jamais accueilli ces troupes en libératrices, de franchir le pas pour devenir des partisans actifs du retrait des troupes impérialistes du territoire irakien? Ce jour-là, ce sont les soldats américains qui, de nouveau, comme au Vietnam jadis, risquent de refaire l'amère expérience qu'on ne maintient pas impunément tout un peuple en esclavage.

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