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- Lutte ouvrière n°1819
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Dans les entreprises
La grève des éboueurs : Une action de salubrité publique
Dans de nombreuses villes, la grève des éboueurs, commencée depuis plusieurs jours, voire plusieurs semaines, continue.
Les éboueurs sont en grève contre le projet du gouvernement sur les retraites; leurs revendications portent également sur les salaires et les effectifs. Si la mobilisation est inégale selon les régions, elle touche les plus grandes villes du pays, où la CGT, FO, et parfois la CFDT, ont appelé à cesser le travail.
À Marseille, le mouvement de grève s'est installé dans dix arrondissements sur seize. Il a démarré il y a environ une semaine, comme à Bordeaux. Dans cette ville, d'après le délégué CGT des éboueurs, syndicat majoritaire, "le conflit monte en puissance: le personnel y est favorable à 80% et c'est lui qui décide chaque matin de poursuivre ou non le mouvement." À Paris et en région parisienne, les éboueurs sont en grève depuis le 26 mai et 20 à 30% d'entre eux l'étaient toujours après la Pentecôte, malgré l'intervention de la police.
Là comme en bien des endroits, la réponse des autorités municipales, dont dépend la collecte des déchets, a été de passer à la manière forte. A Brest, où la grève dure depuis le 19 mai, le maire, PS, a réquisitionné dix-huit chauffeurs et trente-six éboueurs et a menacé lui aussi de faire intervenir la police si les grévistes continuaient à bloquer les bennes à ordures. Dans d'autres villes comme à Calais, ou en Seine-Saint-Denis, à Sevran, Villepinte, Tremblay, Le Blanc- Mesnil..., les maires ont décidé de procéder à des réquisitions pour que le ramassage soit effectué. A Marseille, la ville a demandé aux marins-pompiers d'intervenir pour éteindre les incendies provoqués par des riverains ayant mis le feu aux tas d'ordures parce qu'ils ne supportaient plus les odeurs.
Pour le moment, les maires adoptent une attitude commune: ils recourent aux réquisitions et menacent d'employer la force quand ils ne mettent pas à exécution cette menace. Les maires "de gauche"justifient cette décision par "les conséquences sur la salubrité et l'hygiène publique", comme l'a déclaré le maire PS de Brest. A Calais, le maire PCF, malgré son soutien déclaré aux grévistes, a procédé lui aussi à des réquisitions pour calmer la grogne des administrés.
Bien sûr, une grève des éboueurs a des conséquences sur la "salubrité publique". Mais travailler en sous-effectifs, s'user au travail jusqu'à plus de 63, 65 ans, être mal payés, n'est-ce pas aussi porter atteinte à la "salubrité publique"? Alors, si la préoccupation des maires de "gauche" était réellement de veiller à la santé de leurs administrés, ils pourraient se montrer véritablement solidaires des travailleurs en lutte aujourd'hui, à commencer par ceux qui vivent dans leurs communes et peser à leurs côtés sur le gouvernement, en exigeant que l'État débloque tous les moyens revendiqués par les grévistes et retire sa réforme sur les retraites.
Seulement, les maires de gauche des grandes villes appartiennent à des partis qui pendant des années ont mené une politique antiouvrière, oeuvré à la dégradation des conditions de vie du monde du travail et préparé, entre autres, le dossier des retraites que défend aujourd'hui Raffarin. Et aujourd'hui, ces partis continuent à dire qu'il faudrait procéder à une "réforme" des retraites sans même revendiquer le retour aux 37 annuités et demie pour tout le monde, par exemple.
Quant aux maires de droite, ils affichent une solidarité totale avec leurs collègues ministres et tiennent le même langage qu'eux. Ainsi, Alain Juppé, maire de Bordeaux, a jugé que la grève des éboueurs est "une grève politique", "en aucune manière justifiée". Rien d'étonnant de la part de l'ancien promoteur d'une "réforme" des retraites, soeur jumelle de celle que Raffarin veut imposer.
Pour le moment, la détermination des grévistes qui continuent le mouvement ne semble pas entamée. Et c'est tant mieux. Parce que, comme le disaient des éboueurs qui manifestaient lors d'un précédent mouvement de grève, "les ordures ne sont pas sur le trottoir, elles sont au pouvoir!"