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Pologne : Le niveau de vie des travailleurs en chute libre
La Pologne devrait dans peu de temps devenir membre de l'Union Européenne (UE), à condition que le référendum qui doit se dérouler dans ce pays lors du week-end de la Pentecôte ne réserve pas quelque surprise.
Elle a même eu droit, en récompense de sa fidélité à Busch en ce qui concerne l'Irak, aux attributs symboliques d'une grande puissance en se voyant confier la "stabilisation" de la zone nord de l'Irak. Cela risque fort de se révéler un cadeau empoisonné pour les troupes polonaises, et cela fait d'ailleurs plutôt sourire parmi la population, qui se souvient que la Pologne a disparu tout un temps de la carte de l'Europe, et qu'à part élargir de temps en temps ses propres confins, elle n'a jamais possédé de colonies. On a ainsi vu dans la presse ce commentaire d'un universitaire polonais: "Notre naïveté fait de nous l'âne de Troie des Américains en Europe"...
Mais, même si la Pologne, géographiquement, et peut-être politiquement demain, fait partie de l'Europe, les conditions de vie de sa population travailleuse montrent bien, Europe ou pas, que l'exploitation des travailleurs prend dans ce pays des formes encore plus dures.
La misère dans laquelle une partie de la population s'enfonce est de plus en plus visible. La mendicité se développe, et il n'est pas rare de voir dans les cafés passer des gens âgés qui demandent discrètement de l'aide pour vivre.
La télévision, en France, avait montré il y a quelques mois l'accident qui avait eu lieu dans les mines de la région de Walbrzych, où des gens continuaient à aller chercher du charbon dans des mines fermées. Ces "mines sauvages" continuent à être exploitées ainsi, pour pouvoir se chauffer pour certains, pour gagner un peu d'argent en vendant du charbon pour d'autres. Un autre accident a fait de nouvelles victimes, en février dernier, dans la même région.
Le chômage atteint 20% de la population active et est indemnisé par une allocation qui ne permet pas de vivre. Qui plus est, cette allocation est versée par les régions, et selon que la région est estimée comme offrant des emplois ou pas, la durée d'indemnisation varie, un an étant le maximum. Au-delà d'un an de chômage, les chômeurs ne touchent plus rien, et on estime aujourd'hui que quatre chômeurs sur cinq ne touchent aucune indemnité. Un énorme secteur de travail au noir se développe.
Les trafics se développent aussi, comme celui de l'essence, dont le prix à la pompe est le même qu'en France. Certains achètent de l'essence moins chère, qui provient de Russie, d'Allemagne ou d'autres pays de l'Est, et la presse a récemment relaté que des grossistes vendaient à des pompistes du fuel, moins taxé, à la place du gazole. On mesure aussi l'ampleur de ce trafic, qui selon la presse polonaise met en cause des douaniers et des notables, au fait qu'en 1999 il se consommait dans le pays 5,5 millions de tonnes de carburant acheté à la pompe pour un parc automobile de 14 millions de voitures, alors qu'en 2002 pour un parc de 15 millions de véhicules il n'avait été consommé, selon les chiffres officiels, que 4 millions de tonnes.
Les plans de licenciements se multiplient. TPSA, l'opérateur polonais de téléphone, avait 70000 salariés. Privatisé et passé sous la coupe de France Télécom, TPSA a maintenant 30000 salariés de moins. La fermeture de nouvelles mines de charbon a été annoncée cet automne. Devant l'émoi suscité, cette décision a été suspendue à une expertise, dont les résultats seront connus après le référendum sur l'entrée dans l'UE. Un tiers des lignes des chemins de fer polonais doivent être fermées, pour l'essentiel des lignes locales de régions rurales, et en Pologne, le statut des fonctionnaires ne les protège absolument pas des licenciements.
Un nouveau code du travail a été mis en place, qui permet d'employer quelqu'un en contrat à durée déterminée sans limites, alors que la précédente législation prévoyait qu'un salarié employé deux fois de suite au même poste en CDD devait être employé ensuite en contrat à durée indéterminée. Le salaire minimum, qui est celui de beaucoup de travailleurs, est de 500 zlotys (environ 125 euros). Et pour la plupart des salariés, même à un niveau un peu supérieur, le salaire est totalement englouti par la nourriture, et surtout le loyer, les charges, l'électricité, qui ont énormément augmenté.
Se soigner est devenu un problème. Les baisses des remboursements s'étant multipliées, les dépenses de santé ne sont plus remboursées à 100% que pour les maladies très graves, comme un infarctus ou un cancer, à 60% ou 30% pour d'autres, et pas du tout pour des maladies courantes comme une grippe ou une angine. De plus, les médicaments polonais ont souvent été remplacés par des médicaments allemands, français ou américains, beaucoup plus chers. Résultat: il n'y a plus personne dans les pharmacies, où s'étalent en vitrine des publicités pour Nurofen, Niquitine, Roc et autres...
En 1989, il y a 14 ans, le "passage à l'économie de marché" apparaissait comme un rêve de prospérité. Devenu réalité, pour beaucoup il est plus proche du cauchemar.