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Côte-d'Ivoire : Les ravages d'une crise qui dure depuis sept mois
Tandis qu'à Paris, le 5 mai, le ministère des Affaires étrangères se félicitait de la signature d'un accord de cessez-le-feu en Côte-d'Ivoire entre les forces gouvernementales et les trois mouvements rebelles, qualifiant cette signature d'"étape très importante dans le processus de sortie de crise", de violents accrochages éclataient le même jour entre les troupes loyalistes et les rebelles pour le contrôle de la ville de Zouan-Houmien, dans la région frontalière du Liberia, à l'ouest du pays.
En fait, depuis sept mois que la Côte-d'Ivoire a sombré dans une crise ouverte, plusieurs accords de cessez-le-feu ont déjà été signés... et aussitôt violés par l'un ou l'autre des belligérants, principalement d'ailleurs par les troupes "loyalistes" du président Gbagbo. Cela n'a pas empêché les représentants de celui-ci et ceux des rebelles de siéger dans le nouveau gouvernement, initié lors de la conférence de Marcoussis et officiellement réuni le 3 avril dernier à Yamoussoukro avec la bénédiction du représentant de l'impérialisme français et de quelques dictateurs des pays voisins.
La constitution de ce gouvernement aura quand même demandé plus de trois mois de tractations au tandem Gbagbo-Diarra qui, par cette démarche, voudrait bien convaincre les banquiers, les trusts et tous ceux qui détiennent des capitaux d'un prochain retour à la paix.
Il n'en demeure pas moins que, depuis le début du conflit, le pays est de fait divisé, l'autorité de Gbagbo ne s'exerçant que sur la moitié sud du pays, tandis que les trois mouvements rebelles ont pris le contrôle du Nord et de l'Ouest. Et en sept mois, cette crise a fait bien des dégâts. Selon l'ONU, les combats auraient provoqué le déplacement de 750000 personnes, principalement du Nord et de l'Ouest vers le Sud et l'Est, tandis que 400000 autres -Ivoiriens mais aussi réfugiés libériens et travailleurs venus de l'Ouest africain- ont fui vers des pays voisins. Outre cet exode massif, les services publics de base ne fonctionnent plus dans l'Ouest et le Nord; ainsi, depuis septembre, près de 500000 enfants ne sont plus scolarisés.
Le sort de la population n'est guère plus enviable dans la zone encore sous contrôle de l'État. Si quelques groupes industriels comme Bolloré, qui contrôle notamment le trafic portuaire, ont réussi à s'adapter tant bien que mal à cette situation, les activités économiques ont fortement diminué. Bien des patrons ont profité de ces circonstances pour jeter brutalement des travailleurs à la rue, parfois sans leur verser d'indemnités de licenciement ni même leurs arriérés de salaires dus. Quant à ceux qui conservent un emploi, ils doivent faire face à la dégradation de leur niveau de vie et à la flambée des prix des produits de première nécessité, sans parler des nombreux travailleurs qui ont désormais à leur charge des proches ayant fui les zones de combats, blessés, malades, affamés ou le tout à la fois. A cela s'ajoutent les barrages et les rackets auxquels la population est soumise par les policiers, les gendarmes ou les milices patriotiques.
Même s'il affiche une volonté d'union sacrée, le nouveau gouvernement ne changera pas grand-chose à cette situation. D'abord parce que l'arrêt des combats n'est pas pour demain. Dans le camp gouvernemental, les ultras comme le "maréchal" Eugène Djué, qui ont entraîné et armé des dizaines de milliers de "jeunes patriotes", se disent opposés à tout gouvernement dans lequel siégeraient des rebelles. De même, dans le camp des rebelles, certains refusent de déposer les armes et d'abandonner les zones qu'ils ont soumises à leur pillage. Les combats qui ont récemment opposé, dans l'ouest du pays, des colonnes du Mouvement Patriotique de Côte-d'Ivoire (MPCI) aux mercenaires libériens et sierra-léonais, jusque-là alliés des rebelles, de même que l'assassinat du leader du Mouvement Patriotique Ivoirien du Grand Ouest (MPIGO) reflètent ces conflits d'intérêts.
La population pauvre de Côte-d'Ivoire n'a rien à attendre de toutes ces bandes armées qui ne défendent que leurs propres intérêts, qu'elles soient loyalistes ou rebelles. Pas plus qu'elle n'a à attendre une amélioration de son sort du nouveau gouvernement, fût-il dit d'union nationale.