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- Lutte ouvrière n°1807
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Dans les entreprises
À Issoire et aux Ancizes (Puy-de-Dôme) : 3e semaine de grève pour les salaires
Depuis le 25 février, 2000 travailleurs de la métallurgie du Puy-de-Dôme sont en grève dans des usines distantes d'une centaine de kilomètres, mais appartenant au même groupe Aubert et Duval.
Les revendications portent sur l'augmentation des salaires.
Depuis des mois le mécontentement grandissait en apprenant que, dans les autres usines du groupe, il y avait eu des augmentations de salaire, d'ailleurs très inégales d'un site à l'autre, mais rien encore dans les trois usines auvergnates: aux aciéries des Ancizes, chez Fortech et Interforge à Issoire.
La colère a éclaté quand la direction a osé annoncer 0,5% en plus, alors que la plupart des ouvriers touchent à peine 1000 euros par mois au bout de 25 ou 30 ans d'ancienneté.
Un mouvement bien suivi
La grève a démarré dans les trois usines en même temps, à l'initiative de la seule CGT, FO et CFDT n'apparaissant pas du tout dans le mouvement.
Tandis qu'à Issoire la grève était complète dès le début, ceux des Ancizes n'ont d'abord débrayé que quatre heures par équipe estimant que cela suffisait à paralyser la production puisque les coulées dans les fours nécessitent au minimum huit heures de travail en continu. Mais au bout d'une semaine, ils ont fait eux aussi grève complète.
Aux entrées des trois sites, de gros engins de levage ont été rassemblés. Avec des piquets de plusieurs dizaines de travailleurs, tout est bloqué. Rien ne sort. Ils restent sur place de 4 heures du matin à 22 heures, y compris les week-ends, en se relayant par équipe. À Fortech, la conciergerie et une partie des bureaux sont occupés. À Interforge, ils ont installé dans la cour un abri de fortune et se réchauffent avec des braseros.
Tous sont déterminés. Ils l'ont montré à plusieurs reprises en manifestant aux Ancizes, à Issoire et à Clermont-Ferrand devant le siège social, dont ils ont copieusement bombardé la façade vitrée avec des oeufs...
La direction a alors annoncé qu'elle passait de 0,5% à 2%, dont 1,2% sur les salaires et 0,8% en augmentation individuelle. Cela a été jugé ridicule par les grévistes, qui veulent 6% ou 55 euros pour tous, et 200 euros de rattrapage pour les derniers embauchés.
Manoeuvres et menaces
La direction a alors décidé de s'en prendre ouvertement aux grévistes. Elle prétend que si la grève se prolonge, les pièces ne pourront pas être livrées à temps à Airbus, Renault et Peugeot, qui pourraient, selon elle, se tourner vers d'autres fournisseurs.
Chaque salarié a reçu à domicile une lettre du directeur général dénonçant les "méfaits" de la grève. Il est question de "la forte dégradation de la conjoncture qui risque d'entraîner des restructurations" ajoutant: "Les mouvements sociaux en cours sont des facteurs aggravants irréparables... La situation actuelle donne une image particulièrement négative (aux clients) alors que des contrats sont en cours". Cela se termine par l'espoir que le personnel "saura apprécier la situation et notre avenir commun", et donc qu'il reprendra le travail!
À Issoire, la direction a fait arrêter les transports par car en espérant que les ouvriers n'habitant pas Issoire ne viendraient pas grossir les rangs des grévistes. Cette décision se retourne contre elle car cela augmente la proportion de grévistes qui dépasse les 80%. Et de toute façon aucune production ne se fait.
Il y a aussi l'envoi d'huissiers, jusqu'à trois fois par jour, pour constater "le délit": la présence des grévistes à l'entrée des usines. Les huissiers ont pris les noms de neuf d'entre eux aux Ancizes, six à Fortech et cinq à Interforge. La plupart sont délégués CGT.
Un pas de plus a été franchi jeudi 6 mars avec l'appel aux tribunaux. La direction voulait obtenir en référé la levée immédiate des piquets de grève, avec une demande d'amende de 400 euros à chacun des vingt travailleurs nommément désignés, alors que leur salaire mensuel est de 1000 euros.
Près d'une centaine de grévistes des Ancizes sont venus soutenir leurs camarades convoqués au tribunal de grande instance de Riom. Le lendemain, celui-ci, ainsi que le tribunal de Clermont-Ferrand qui avait jugé ceux d'Issoire, n'ont pas ordonné l'expulsion des piquets de grève par les forces de l'ordre, ni infligé l'amende réclamée. Deux médiateurs ont été désignés pour trouver une solution dans les quatre jours.
La lutte continue
Les ouvriers en grève ont accepté une seule concession: la levée des piquets pendant la durée des négociations. Ce qu'ils ont fait, mais en appliquant la formule à la lettre.
En effet, avant et après les heures de négociation, ils ont aussitôt remis en place leurs piquets de grève dans les trois usines! D'où la colère de la direction qui a cherché à se venger en portant plainte une seconde fois devant les mêmes tribunaux et en renouvelant sa demande d'expulsion immédiate des piquets.
Vendredi 14 mars les tribunaux ont confirmé leur premier jugement: refus d'envoyer les forces de l'ordre, refus d'infliger une amende. Ils accordent une semaine supplémentaire pour les négociations, tout en avertissant que c'est la dernière limite avant d'accéder à la demande patronale: l'évacuation par la force.
Malgré toutes les pressions et menaces, les métallos sont décidés à tenir. Ils veulent de meilleurs salaires.