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Leur société
Irak : Massacre pour l'ordre impérialiste
Depuis l'ultimatum lancé à l'Irak lundi 17 mars par George W. Bush, on sait que les centaines de milliers d'hommes et les énormes moyens militaires concentrés par les États-Unis aux frontières du pays vont se déchaîner sur celui-ci. En prévision du déluge de feu qui va s'abattre, les inspecteurs de l'ONU, les membres des organisations internationales, les diplomates étrangers ont quitté le pays. Sur place, dans les villes qui s'apprêtent à subir les bombardements massifs, ne reste que la population irakienne, tous ceux qui ne peuvent fuir le déluge de bombes de l'armée américaine censée venir les délivrer.
Car les dirigeants américains, de leur côté, répètent imperturbablement les mêmes mensonges. Officiellement, leur attaque vise à ôter à l'Irak les "armes de destruction massive" dont ce petit pays exsangue, soumis depuis douze ans à un embargo draconien, menacerait selon eux la planète. Pendant quelques mois, les États-Unis ont laissé se dérouler la comédie des inspections de l'ONU destinées à découvrir ces armes. Celles-ci n'en ayant pas découvert, Bush a dit que c'était la preuve... de la duplicité du régime, qui aurait caché les armes en question. Et lorsque seuls quelques missiles de faible portée ont été trouvés, lorsqu'il a été demandé au régime irakien de les détruire et qu'il l'a fait, Bush a continué à proclamer que le régime de Bagdad ne respectait pas ses engagements et que, décidément, il fallait que les armes parlent.
Voilà avec quels gros mensonges, et avec quel cynisme, la première puissance de la planète s'apprête à écraser la population d'un pays. Bush prétend que son souci est de débarrasser l'Irak de l'odieuse dictature de Saddam Hussein et d'y établir la démocratie et la prospérité. Mais si tel était leur objectif, les États-Unis et les autres puissances impérialistes n'auraient pas contribué eux-mêmes, pendant des années, à consolider dans ce pays, et dans bien d'autres, une dictature sanglante, et à l'armer de pied en cap. Et lorsque cette dictature a cessé de leur plaire, ils n'auraient pas soumis ensuite le pays, après la guerre meurtrière de 1991, à douze ans d'un embargo qui a réduit une partie de sa population à la famine et causé encore des centaines de milliers de morts, en particulier parmi ses enfants.
Le régime abattu, en fait de "démocratie" les dirigeants américains prévoient de le soumettre à leur administration militaire directe. Pour cela ils comptent bien pouvoir s'appuyer sur une partie des cadres de l'armée et du régime actuels, qu'ils incitent aujourd'hui à abandonner Saddam Hussein et à rallier leur camp. Et ils espèrent que la population irakienne, après des années de misère, après avoir subi la dictature, après avoir vécu deux fois l'enfer des bombardements massifs, sera suffisamment brisée pour voir l'occupation américaine comme une délivrance et l'accepter sans broncher.
Peut-être cela sera-t-il le cas, au moins pour une partie de la population et pour un certain temps. Mais la première guerre du Golfe a déjà montré aussi que les dirigeants américains, sans aucun remord, peuvent laisser les troupes du régime irakien, ou de ce qu'il en restera, écraser les populations révoltées qui auraient cru à leurs promesses. Ils préfèrent en effet laisser agir ces troupes, aussi longtemps qu'il est possible, plutôt que d'avoir à charger les troupes américaines elles-mêmes des tâches de répression.
Affamée, bombardée, décimée, la population irakienne ne sera même pas débarrassée réellement de cette dictature qui pèse sur elle, à laquelle s'ajouteront simplement des protecteurs et des conseillers américains. A ceux-ci viendra encore s'ajouter, dans une région comme le Kurdistan, l'action de l'armée turque. Celle-ci est déjà présente sur le terrain, prête à écraser dans le sang toute velléité d'indépendance de la population; elle aura pour cela, à n'en pas douter, le feu vert des autorités américaines, dont le dernier souci est bien la liberté des peuples.
En fait cela fait des mois que les dirigeants américains ont choisi, quoi qu'il arrive, de livrer cette guerre. C'est une démonstration à l'égard de leur propre population et une tentative de la mettre en condition, au moment où l'économie américaine s'enfonce dans la crise et dans les scandales financiers. C'est une démonstration de force de l'impérialisme américain à l'égard du monde entier pour démontrer qu'il ne laissera aucun peuple, aucun régime, contester sa domination. Et puis c'est aussi et peut-être surtout une basse opération de prise de contrôle direct d'un pays et de ses ressources par l'armée et par les compagnies américaines, pétrolières en premier lieu. Celles-ci ont fait des projections, élaboré leurs plans et leurs projets pour l'exploitation du pétrole du Moyen-Orient dans les années qui viennent. La stratégie des États-Unis s'y conforme, leur armée et ses énormes moyens militaires la mettent en application, dans la souffrance et dans le sang des peuples irakien, kurde, arabes en général, et aussi avec le sang des soldats américains eux-mêmes.
De leur coté, en ne jouant pas le jeu de Bush, les impérialismes français et allemand ne se sont pas en réalité opposés à la guerre, et encore moins bien sûr à cet ordre impérialiste que celle-ci cherche à consolider et dont ils sont partie prenante. Ils ont seulement tenté de sauvegarder leurs intérêts propres, avant le conflit et surtout pour après. L'impérialisme français, en particulier, a estimé que mieux valait laisser aux États-Unis la responsabilité de l'opération guerrière. En se donnant l'image d'un opposant à la guerre, d'un partisan de relations d'un autre type avec les pays du Tiers Monde, Chirac n'a rien fait d'autre que de préparer une situation où, peut-être, les trusts français seront en meilleure position pour prendre certains marchés dans les pays arabes, et peut-être en Irak même quand s'ouvriront les profitables marchés de la reconstruction. Mais cela ne l'a même pas empêché de collaborer militairement avec les États-Unis, et il se réserve même en fait d'intervenir militairement à leurs cotés, si à un moment il l'estime opportun.
Dans le jeu diplomatique hypocrite qui a précédé la guerre, entre les États-Unis, les autres puissances, dont la France, et l'ONU, il n'y aura guère eu qu'une division des rôles entre ceux qui mènent l'attaque et ceux qui se réservent, ensuite, de lui apporter leur caution et de participer au partage.
Voilà donc l'ordre impérialiste, voilà l'ordre des compagnies pétrolières et du capital financier. Il s'apprête à sacrifier encore des centaines de milliers d'hommes au nom de ses intérêts. Il s'impose encore une fois dans le sang et la souffrance des peuples. Mais cet ordre-là n'est fait que d'un désordre croissant. Le Proche et le Moyen-Orient, découpés, divisés, soumis à des dictatures, à l'oppression et à la misère et à des guerres incessantes, lui ont payé un lourd tribut. Mais d'un bout à l'autre de la planète, en Afrique, en Asie ou en Amérique latine, les interventions de l'impérialisme laissent derrière elles des pays dévastés, en proie aux guerres civiles, aux crises financières, soumis à des dictatures et à des mafias. Il n'est que de voir quelles "démocraties" ont été établies par les interventions en Afghanistan, ou même en Yougoslavie, ou auparavant en Somalie ou dans toute l'Afrique de l'Ouest... Et ces interventions ne combattent pas, mais en réalité alimentent, le terrorisme et les intégrismes de toute sorte.
Aujourd'hui, il faut manifester, protester contre l'ignoble massacre qui se prépare et que les peuples, tous les peuples, vont payer, y compris ici et ne serait-ce que par ses conséquences économiques. Mais il faut aussi lutter, combattre pour mettre fin à ce système. La classe ouvrière, les peuples du monde entier doivent mettre fin à cet ordre injuste, odieux, inique. Ils doivent mettre fin à l'impérialisme, ce système qui règne sur la planète et qui n'est qu'un système d'oppression et de misère, de guerres et de sang. Et ils sont les seuls à pouvoir le faire.