SNCF : Gallois confirmé à la tête de l'entreprise - un patron qui se croit tout permis27/02/20032003Journal/medias/journalnumero/images/2003/02/une1804.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

SNCF : Gallois confirmé à la tête de l'entreprise - un patron qui se croit tout permis

Le renouvellement du mandat de Louis Gallois à la tête de la SNCF a été salué par la presse comme quelque chose de remarquable. Il avait été installé dans le fauteuil de président de la SNCF après les grandes grèves de l'hiver 1995, par Alain Juppé, et devrait donc y rester jusqu'en 2008. Comme quoi, pour les gouvernements de gauche comme de droite, un Louis Gallois (ne cachant pas ses sympathies pour Jean-Pierre Chevènement) à la tête de l'entreprise publique SNCF est un patron parfaitement satisfaisant.

La prouesse qu'on lui reconnaît serait d'avoir traversé toutes ces années sans être confronté à un conflit social important. Grâce à sa politique de "management des hommes", prétend-il sans modestie excessive, "les cheminots ont pris conscience que la conflictualité nuit à leur image tout comme elle nuit au développement de l'entreprise". En réalité, les cheminots sont comme tous les travailleurs de ce pays sur lesquels pèsent le chômage, la dégradation des conditions de travail et de vie, faits auxquels il faut ajouter la politique menée pendant toutes ces années, avant même celui-ci, par le gouvernement de gauche, ainsi que par les directions syndicales qui n'ont pas voulu oeuvrer à l'organisation d'une riposte nécessaire pour mettre fin aux attaques. Les problèmes posés par l'accord sur les 35 heures à la SNCF l'ont montré, qui n'ont pas apporté les embauches nécessaires, laissant l'ensemble de l'encadrement faire pression sur les cheminots.

Aujourd'hui, les menaces qui pèsent sur les systèmes de retraite à la SNCF, comme dans bien d'autres entreprises publiques, celles liées à la libéralisation du transport ferroviaire, les salaires toujours bloqués, les réductions d'emplois et les conditions de travail qui se détériorent mériteraient une réaction d'ampleur, susceptible de faire ravaler sa vantardise à Louis Gallois et d'arracher les revendications et les améliorations indispensables. Mais on en est loin, même si l'ensemble des fédérations syndicales du chemin de fer appellent à une journée de grève, le mardi 18 mars, contre l'ouverture du fret à la concurrence. Il ne faudrait pas s'en tenir là, car il s'agit de faire plier non seulement Gallois mais aussi le gouvernement, qui vient de le confirmer dans sa place.

En fait, le gouvernement marque par la reconduction de Louis Gallois qu'il est satisfait de la politique sociale qu'il mène. Gallois parle volontiers de... son "observatoire social" composé de trois "spécialistes", dont la fonction serait de surveiller les marques de mécontentement, les revendications, leurs convergences éventuelles, afin d'intervenir avant qu'un conflit n'éclate... Mais, comme disent ces "observateurs", "le dialogue social n'est pas une science exacte" et ils risquent des déboires et d'observer que le mécontentement qui couve finira par éclater sans prévenir...

La retraite à 50 et 55 ans permet à Gallois de remplacer les anciens, trop combatifs, forts d'une vieille tradition de luttes, par des jeunes plus malléables... du moins dit-il l'espérer. Mais ces jeunes peuvent eux aussi prendre part à la bataille, plus vite qu'il ne le croit. Ces jeunes, paraît-il, ne sont plus sélectionnés parmi les fils de cheminots comme auparavant, mais parmi ceux qui viennent du secteur industriel privé où les conditions de travail sont réputées plus dures, et devraient donc tout accepter en disant merci. Les chefs ne sont plus choisis parmi les cheminots du rang ayant grimpé dans l'entreprise mais parmi des jeunes loups aux dents longues, sortant des écoles d'administration, diplômes en poche et mépris à la bouche, pour exercer la pression nécessaire aux nouvelles cadences sur les cheminots.

Enfin, Gallois se vante de favoriser la féminisation des métiers de la SNCF. Selon lui, les femmes auraient toutes les qualités pour travailler efficacement et sans rechigner ni revendiquer: elles feraient moins grève, seraient moins doctrinaires, s'enflammeraient moins vite, etc., au point que Gallois aurait donné pour consigne d'en recruter le plus possible! Au-delà de cette misogynie patronale, Gallois pourrait, là encore, déchanter rapidement.

Malgré tous les raisonnements et cette prétendue fine tactique pour étouffer les traditions de lutte et la volonté de ne pas se laisser marcher sur le ventre au nom des "intérêts de l'entreprise", il y a fort à parier que Louis Gallois et sa kyrielle de cadres ingénieux devront constater que jeunes, vieux, femmes, à l'école de l'exploitation et de la lutte de classe, apprendront vite à se défendre.

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