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- Lutte ouvrière n°1803
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Robert Barcia, alias Hardy : La véritable histoire de Lutte Ouvrière
Entretiens avec Christophe Bourseiller
Editions Denoël. Prix : 17 euros.
Ci-après, quelques passages de la conclusion :
Il nous reste à incarner une autre perspective, celle d'un parti représentant réellement les intérêts politiques de la classe ouvrière. Il nous reste à oeuvrer pour que se construise un parti qui ne vise pas à s'intégrer dans l'ordre social actuel, fût-ce avec la prétention stupide de pouvoir le faire évoluer dans le bon sens, mais qui, au contraire, combatte pour la transformation radicale de la société.
Un parti qui reste systématiquement dans le camp des exploités, des opprimés, sans abandonner ce camp pour quelque poste ministériel que ce soit.
Un parti qui n'abandonne pas ses convictions pour s'adapter à la politique des dirigeants réformistes, même lorsque ceux-ci sont dans l'opposition.
Un parti qui ne veuille pas dissimuler la réalité de la lutte des classes car cela ne sert que les intérêts de la classe exploiteuse qui, pour mener sa propre lutte de classe, n'a pas besoin de la nommer.
Mais un parti qui, au contraire, cherche à mettre le doigt sur le caractère de classe de la politique menée, pour que les travailleurs opposent à la lutte de classe de la bourgeoisie leur propre lutte.
Un parti qui ne se contente pas de dénoncer quelques abus du règne du fric ou de la domination des trusts sur une économie mondialisée, mais qui se donne pour objectif d'organiser la seule classe sociale, c'est-à-dire le prolétariat mondial, capable de mettre à bas le capitalisme et son sous-produit l'impérialisme. Un parti qui ne se contente pas de participer de temps à autre à une manifestation internationale, mais qui milite jour après jour dans les entreprises, dans les quartiers populaires, pour organiser et instruire les travailleurs dans le but de transformer la société.
Il est bien plus difficile de militer dans les ateliers, les bureaux, dans les chantiers, auprès du monde du travail, que de militer auprès des intellectuels et surtout des étudiants. Un étudiant a les moyens et les loisirs de réfléchir, de discuter, de lire et on peut l'aborder et entrer en relation relativement facilement.
Avec un travailleur, il n'en va pas de même. Dans la métallurgie par exemple, il est pratiquement impossible de discuter plus de quelques minutes au travail. Il y a le bruit, l'intensité du travail, la fatigue. Et les quelques pauses ne permettent pas de réfléchir. Le matin, les travailleurs arrivent au dernier moment s'ils le peuvent, et le soir ils repartent très vite pour ne pas rater leur train, leur car et, surtout pour les femmes, avoir le temps de faire quelques courses avant de préparer le repas.
Alors convaincre, gagner, défendre des idées dans ce milieu-là, c'est très difficile. Ce n'est pas que les travailleurs soient fermés à ces idées, au contraire, mais ils n'ont pas l'occasion de les connaître s'ils ne rencontrent pas de militants qui en soient le support.
C'est pourquoi tous les groupes politiques d'extrême gauche se retrouvent finalement à militer essentiellement dans les milieux intellectuels. Là c'est plus facile, on peut discuter beaucoup, remuer des idées, surtout des idées qui n'engagent personne. Mais même lorsqu'on arrive à y gagner des militants, c'est bien souvent pour peu de temps, le temps des études, car après, même si la vie d'un enseignant par exemple permet de se consacrer éventuellement à la vie militante, bien souvent les conditions sociales étant très différentes, les convictions restent superficielles. Se tourner alors vers l'activité en milieu ouvrier paraît largement au-dessus des forces de beaucoup d'entre eux.
C'est pourquoi, s'il y a une crise des idées révolutionnaires, elle provient moins des travailleurs que des intellectuels de gauche. Il y a bien longtemps, Trotski écrivait que " la crise historique de l'humanité se réduit à la crise de la direction révolutionnaire ".
Et la crise de la direction révolutionnaire, c'est avant tout la défaillance des intellectuels de gauche. Beaucoup d'entre eux font un timide essai de quelques années, voire un engagement plus long d'une dizaine ou d'une quinzaine d'années ; puis, voyant qu'ils ne sont pas immédiatement écoutés par les travailleurs, ils se disent que, décidément, le prolétariat n'est pas révolutionnaire et, comme Maximilien Rubel, concluent qu'il ne sera pas l'instrument de la transformation sociale.
Alors, oui, l'aspect fondamental de notre activité continuera à être la défense du programme d'émancipation de la classe travailleuse, le programme communiste. Défendre ce programme avant tout dans la classe ouvrière car c'est d'elle, et d'elle seule, que dépend sa réalisation future. Le défendre en particulier auprès des travailleurs qui se sont retrouvés pendant longtemps dans ou autour du Parti communiste et qui sont découragés, désorientés et à qui il faut redonner confiance et montrer que le courant communiste n'a pas disparu et que l'avenir lui appartient.
Nous voulons faire connaître ces idées à une génération de jeunes, de jeunes travailleurs aussi bien que d'étudiants. Il faut non seulement leur montrer que le monde qui est le nôtre est, d'une façon ou d'une autre, invivable pour tout le monde, que les concentrations de richesses entre quelques mains pendant que la pauvreté se généralise, sont insupportables. Comme est insupportable l'idée que la recherche du profit de quelques-uns conduit la Terre vers une catastrophe écologique autant qu'économique.
Il est possible de transformer la société et chacun, travailleur ou étudiant, peut y jouer son rôle. Il faut éviter qu'ils soient abusés par ceux qui présentent de vieilles idées réformistes sous des couleurs modernes. Qui cherchent à les tromper en présentant quelques réformettes, une taxe par-ci, un allégement de dette par-là, comme des idées pour l'avenir, alors que tout cela est non seulement inefficace mais cautionne encore et toujours l'idée que le capitalisme serait réformable.
Eh bien non, le système capitaliste n'est pas réformable.