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Leur société
Licenciements collectifs en chaîne : L'irresponsabilité capitaliste
La liste des entreprises qui, dans la période actuelle, mettent en oeuvre des restructurations se traduisant chaque fois par des suppressions d'emplois et des travailleurs jetés à la rue, parfois sans un sou d'indemnité, s'allonge chaque semaine, voire chaque jour. Les journaux régionaux rapportent les fermetures et les délocalisations qui concernent directement leurs régions et auxquelles, bien souvent, la presse nationale ne s'intéresse même pas. Pourtant ce sont des centaines d'emplois qui disparaissent ainsi et qui s'additionnent, exprimant la ruine de milliers et de dizaines de milliers de familles laborieuses.
Parmi toutes ces entreprises qui récemment ont annoncé des suppressions d'emplois, on peut citer le fabricant de chaussettes Kindy qui déclare froidement son intention de poursuivre " sa politique de désengagement de ses sites industriels français " en supprimant purement et simplement 94 emplois sur 330 dans deux de ses usines de Moreuil (Somme) et de Molliens (Oise). Dans les Vosges, la Cristallerie Baccarat, appartenant au groupe Taittinger (possédant la marque de champagne du même nom, mais aussi des chaînes d'hôtellerie de luxe - Concorde - et économique - Campanile -, des parfums, la marque Deville des appareils de chauffage ménager, etc.), qui n'est donc pas sans le sou, est en train de mettre au point un plan de restructuration qui se traduirait par la suppression d'au moins 115 emplois sur un effectif total de 780 travailleurs. Les 218 ouvriers de l'usine Pechiney à Auzat dans l'Ariège sont, quant à eux, mobilisés contre la menace de fermeture pure et simple de leur usine, sans compter 50 emplois également menacés dans une autre usine Pechiney voisine. Les syndicats de Beghin-Say dénoncent une restructuration qui entraînerait la disparition de 500 emplois dans les services centraux etc., etc.
A juste raison ces annonces brutales provoquent l'indignation dans la population qui sait trop bien les conséquences que cela va entraîner. Bien des familles populaires ont au moins un des leurs touché par le chômage. Aussi, pour donner le change, le gouvernement a fait des effets de manche, et comme pour les armateurs, responsables de marées noires périodiques, il a parlé de " patrons voyous ".
Dans le cas de Metaleurop, il ne pouvait s'agir que d'un " mauvais " patron, d'une brebis galeuse. Raffarin puis le ministre du Travail, Fillon, ont annoncé la volonté du gouvernement d'entamer des poursuites judiciaires. Seulement, là encore, il s'agit d'un faux-semblant. Car en admettant même que le gouvernement passe aux actes, ce qui n'est pas certain pour l'essentiel, la loi est impuissante. Elle est là pour protéger la " liberté d'entreprendre " des patrons, et cette " liberté d'entreprendre " consiste pour les actionnaires à pouvoir mettre et retirer leur argent à leur guise dans les entreprises.
La loi qui s'applique , en ce domaine en France comme ailleurs, est la loi bourgeoise qui est là pour protéger la propriété des capitalistes. Les sociétés industrielles et financières sont organisées sous le régime des Sociétés Anonymes, qui institutionnalise l'irresponsabilité des actionnaires par rapport aux conséquences de leurs décisions, investissements, désinvestissements, licenciements, délocalisations. Ils ne sont responsables que de leur mise de fonds, ce qu'on appelle le capital social. Cette mise de fonds est souvent dérisoire par rapport à la valeur réelle de l'entreprise qui s'est démultipliée grâce au travail de ses salariés. Les seules poursuites qu'a prévues la loi, c'est quand l'action d'un des dirigeants, ou d'un comparse, a justement mis en cause le développement ou la préservation de ce " capital social ", c'est-à-dire les richesses des actionnaires. C'est ce qu'on appelle les poursuites pour " abus de biens sociaux ". Mais ce sont des règlements de comptes entre possédants qui ne concernent pas les salariés, pourtant les premières victimes...
D'ailleurs la loi prévoit en cas de faillite, c'est-à-dire quand les patrons mettent la clé sous la porte en laissant factures et comptes impayés, dont les salaires, que les actionnaires ne sont pas tenus de payer leurs dettes sur leur fortune personnelle. Cette fortune, fruit de l'exploitation des salariés, qui s'est transformée en dividendes, reste acquise aux actionnaires. Ceux-ci perdent seulement leur mise initiale en capital, bien peu de chose par rapport à la richesse réelle de l'entreprise et de ce qu'elle leur a rapporté. C'est justement en cela que les sociétés sont dites " anonymes ", et donc que les biens des actionnaires sont protégés.
C'est pour un peu atténuer les aspects les plus choquants du système, qui apparaît au grand jour à l'occasion des licenciements et des faillites, que les gouvernements ont mis au point quelques lois depuis le début de la crise. D'abord, un fonds de garantie , alimenté par une cotisation des entreprises, prévoit d'assurer le paiement des salaires, des cotisations sociales et des indemnités de licenciements en cas de dépôt de bilan jusqu'à la faillite définitive. Jusqu'alors il n'y avait rien. Puis on a institué l'obligation de faire semblant de présenter des mesures visant à limiter les licenciements, les fameux plans sociaux, qui au mieux peuvent imposer aux patrons au moins une partie de reclassements, ou souvent des simulacres de reclassements. C'est tout et c'est bien peu. Ce peu a d'ailleurs montré toute son inefficacité à empêcher les drames qui accompagnent la multiplication des licenciements collectifs à travers le pays depuis des années.
Il n'y a pas vraiment de lois qui protègent les travailleurs. Il n'y a que le rapport de force que pourra créer le monde du travail, sa volonté d'imposer l'interdiction des licenciements collectifs.