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- Lutte ouvrière n°1802
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Tribune de la minorité
Le fillon de Raffarin : Associer les syndicats à la réforme des retraites
En recevant successivement les représentants des différentes centrales syndicales, le ministre des Affaires sociales, François Fillon, vient d'ouvrir le premier round des négociations sur les retraites.
Le secrétaire de la CFDT, François Chérèque, qui avait un peu trop chaleureusement applaudi, quelques jours plus tôt, le discours de Raffarin, a préféré en sortant de chez Fillon proclamer qu'il ne donnerait pas de " blanc-seing " au gouvernement. Mais c'était pour prôner sa propre solution : " une augmentation de la CSG pour financer un fond de réserve pour les retraites, car tout le monde doit contribuer à la solidarité ", CSG dont les salariés supportent le gros de la charge. Et la CFDT de rajouter qu'elle était prête à s'engager " dans un processus d'harmonisation négocié, étalé dans le temps, des paramètres des différents régimes ; à la condition que des contreparties importantes soient effectivement négociées ". En clair, nous faire tous payer un peu plus. Et aller vers les 40 ans de cotisation pour tous, à condition de le faire passer en douceur. Chérèque ne donne pas de blanc-seing à Raffarin et Fillon, mais des conseils.
Le représentant de la fédération enseignante FSU, Gérard Aschieri, déplore quant à lui l'obstination du gouvernement à vouloir s'en prendre au 37,5 annuités de cotisation des fonctionnaires. Il aurait néanmoins trouvé le ministre très ouvert dans les autres domaines. Il s'est félicité d'être enfin consulté au même titre que les grandes confédérations et s'imagine volontiers participer à des groupes de travail ministère-syndicats sur " âge et travail " ou sur " formation tout au long de la vie ".
Plus distants, les leaders des deux autres grandes confédérations, CGT et FO, ont brandi la menace d'appeler à nouveau à la mobilisation des travailleurs, comme au 1er février dernier. " Pour faire pression et obtenir les meilleures décisions possibles " a dit Bernard Thibault. Parce que " je sens bien que pour l'instant, nous ne sommes pas encore en position d'obtenir les concessions dont nous avons besoin " a rajouté Marc Blondel. Ce dernier commence déjà à marchander, à envisager " des augmentations de cotisations ", même s'il parle par ailleurs de " toucher à la répartition des richesses ".
Leur seul programme, face à l'offensive du gouvernement et du patronat, se résume à ce besoin d'obtenir au moins quelques concessions, qu'ils puissent présenter aux travailleurs comme un " mieux possible ". Aucune revendication n'est avancée avec précision. Même pas celle du retour à 37,5 ans pour tous, très largement affirmée par les manifestants du 1er février alors qu'elle avait été allègrement passée sous la table dans l'appel intersyndical à cette manifestation. Tout serait à leurs yeux négociable, le principal souhait exprimé par Bernard Thibault étant qu'il y ait " une confrontation des solutions préconisées ".
Sur le fond, malgré leurs nuances, les dirigeants des confédérations syndicales se placent tous sur le terrain choisi par le gouvernement et le patronat. Tous nous présentent comme indispensable une réforme des retraites à laquelle ils tiennent surtout à être associés. Ils se gardent bien de rappeler que ce n'est pas la démographie, mais le Medef qui en a posé l'exigence (sous le gouvernement Jospin déjà). C'est lui qui en a fixé le calendrier lorsqu'il a menacé de ne prolonger que de six mois (de décembre 2002 à juin 2003) l'accord contractuel fixant le paiement des retraites de 60 à 65 ans, en échange de la promesse d'engager d'ici-là la réforme souhaitée. Tout au plus une partie des chefs syndicalistes chipotent-ils sur le calendrier, en reprochant au gouvernement d'avoir accepté l'échéance de juin, au lieu de laisser plus de temps à la négociation.
Et si CGT, FO et même FSU parlent de ponctuer le calendrier de la négociation par de nouvelles manifestations, ils se gardent bien d'avoir un programme de mobilisation pour unifier et faire grandir la riposte du monde du travail aux attaques du patronat. Va-t-on seulement nous promener de " journée d'alerte " en " autres journées d'alerte ", comme Blondel en a menacé le gouvernement en sortant de chez Fillon, pour " au besoin " demander " à nos camarades de nous aider " ? Le " nous " des rois de la négociation !
Mais tous pourraient bien tomber sur un bec (comme récemment à EDF-GDF), et les projets du gouvernement et du Medef être mis en échec par une réaction quelque peu brutale du monde du travail, surtout sur fond de plans sociaux sauvages chez Air-Lib, Daewoo, Métaleurop ou Arcelor...
Car patrons, gouvernants et chefs syndicaux ont beau nous seriner que l'arithmétique démographique serait inexorable, rendrait la réforme des retraites inévitable, l'actualité des licenciements démontre le contraire. Elle rappelle d'où vient essentiellement la baisse des actifs par rapport aux retraités. Les dizaines de milliers de travailleurs entre 50 et 60 ans que l'on jette à la rue ne retrouveront jamais de véritable emploi, et le patronat ose se plaindre que l'âge moyen de fin d'activité soit trop bas. Les centaines de milliers de jeunes qui galérent des années dans des emplois précaires n'auront jamais leurs 40 ans de cotisations dont on veut faire la règle universelle, avant d'aller vers les 42 ans.
L'importance des manifestations du 1er février dernier a montré que les militants et de nombreux travailleurs du rang sont conscients des attaques et prêts à se mobiliser. Pas pour seulement épauler les négociateurs et se contenter d'un moindre mal. Pour faire échec à l'offensive patronale contre les retraites les salaires et l'emploi.