Côte-d'Ivoire : Les " escadrons de la mort " sèment la terreur à Abidjan13/02/20032003Journal/medias/journalnumero/images/2003/02/une1802.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Côte-d'Ivoire : Les " escadrons de la mort " sèment la terreur à Abidjan

Lors de son discours à la nation, le 7 février, Laurent Gbagbo a déclaré qu'il acceptait " l'esprit " des accords de Marcoussis et la nomination du Premier ministre Seydou Diarra. Cependant, il refuse toujours la nomination de ministres rebelles. Ces derniers boycottent la nouvelle réunion des chefs d'État d'Afrique de l'Ouest, qui s'est ouverte le 10 février à Yamoussoukro, et menacent de reprendre l'offensive militaire si les accords ne sont pas appliqués.

S'engageant encore un peu plus dans le conflit armé, la France a augmenté ses effectifs sur place, qui passent désormais à 3 000 hommes. Elle continue cependant de soutenir politiquement, militairement et financièrement, le régime xénophobe et corrompu de Laurent Gbagbo qui exerce une répression féroce sur les masses populaires ivoiriennes grâce aux forces armées gouvernementales, milices supplétives et autres " escadrons de la mort ".

S'appuyant sur un récent rapport du Haut Commissariat aux Nations-Unies, la presse française a dénoncé ces derniers jours les exactions commises par les " escadrons de la mort " liés au pouvoir de Laurent Gbagbo.

Cette dénonciation de la presse française est d'autant plus véhémente qu'elle est bien tardive, au regard des années de répression et des mois de guerre civile que les masses pauvres ivoiriennes ont eu à subir. Elle tombe cependant à pic pour Paris dont la politique en Côte-d'Ivoire se retrouve dans l'impasse face à un Laurent Gbagbo qui a, certes, besoin du soutien du gouvernement français mais qui lui tient tête. Cette même presse avait largement fermé les yeux sur les atrocités commises par ce même " régime ami " prétendument " légitime ", au moment où il fallait justifier l'intervention des troupes françaises, au tout début de la guerre civile.

En effet, ce n'est pas d'aujourd'hui que Laurent Gbagbo s'appuie sur les soudards de l'armée gouvernementale et de la Gendarmerie nationale, forces de répression flanquées des sbires des groupes d'autodéfense ethnique, y compris de son propre groupe ethnique Bété, et des groupes de jeunesses de son parti, le Front Populaire Ivoirien. Ce n'est pas d'aujourd'hui non plus que ces bandes armées " officielles " et " officieuses " tabassent et rackettent les populations civiles et immigrées d'Abidjan, enlèvent et assassinent les opposants politiques. En août 2001 déjà, un rapport de l'organisation non gouvernementale Human Rights Watch dénonçait " la manipulation politique de l'ethnicité en Côte-d'Ivoire ", évoquait les massacres de civils commis par les forces de sécurité, les violences sexuelles, les détentions arbitraires et les tortures perpétrées par les membres de la police et de la gendarmerie, les disparitions et les exécutions organisées par les milices supplétives.

Les état-majors de l'armée et de la gendarmerie orchestrent cette politique de terreur depuis des années. Chaque camp militaire, chaque commissariat de police ou caserne de gendarmerie d'Abidjan est ainsi transformé en un lieu où l'on pratique les passages à tabac et la torture au quotidien ; mais plus encore pendant les périodes d'hystérie xénophobe. Suite à son accession au pouvoir après des élections truquées, Laurent Gbagbo a utilisé les forces de répression pour museler les opposants. Les affrontements interethniques se sont alors multipliés, se soldant, entre autres, par le massacre de cinquante-sept civils burkinabés et dioulas, à Yopougon, un quartier populaire d'Abidjan. Les victimes appartenaient au RDR, le Rassemblement des Républicains, le parti d'Alassane Ouattara, écarté de la course présidentielle. Celles-ci avaient été torturées puis assassinées par les gendarmes qui, après un simulacre de procès, furent libérés par Laurent Gbagbo !

Depuis le début de la guerre civile, la chasse aux opposants, aux immigrés, est systématique et quotidienne. Résultat, des dizaines de milliers de travailleurs maliens, guinéens ou burkinabés sont retournés dans leurs pays d'origine ; des centaines de milliers continuent à vivre la peur au ventre dans les quartiers populaires d'Abidjan. S'appuyant sur des listes noires qui recensent les " cibles " à abattre, les " escadrons de la mort " de Laurent Gbagbo assassinent impunément au vu et au su de tous : leur but étant de se débarrasser des adversaires et de terroriser les masses pauvres pour qu'elles acceptent avec résignation leur sort et ne se soulèvent pas contre la dictature. Parallèlement, sur la zone de front, l'armée gouvernementale continue ses exactions lorsqu'elle reprend des villes aux mains des rebelles comme l'attestent les massacres des villes de Daloa, de Man ou de Monoho-Zoki, dans l'ouest du pays. Il est vrai que les soldats rebelles ne semblent pas se comporter différemment comme en témoignent les quatre-vingt-six corps de gendarmes retrouvés dans une fosse commune de Bouaké. Mais c'est bien un régime sanglant que la France soutient en Côte-d'Ivoire.

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