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Leur société
Jospin en éventuel recours
Jospin qui avait déclaré se retirer de la vie politique le soir du 21 avril était réapparu publiquement à différentes occasions soigneusement mises en valeur : à Bercy, lors d'un tournoi de tennis, ou bien à l'inauguration d'une rue consacrée à Mendès-France. Mais cette fois, il revient sous la forme de deux pages pleines dans Le Monde.
Dans le style d'un arbitre au dessus-de-la-mêlée, il y évoque son échec d'avril dernier, justifie les cinq années de son gouvernement, et trace un projet pour le retour au pouvoir du Parti Socialiste ou de lui-même. Son texte s'intitule " Être utile ".
Jospin explique qu'il n'a pu être au second tour des présidentielles à cause de la multiplicité des candidatures de la gauche dite plurielle. Mais sur l'action de son gouvernement, sur l'essentiel, il n'a rien à redire. Pour l'avenir, il indique que selon lui : " La gauche doit prendre en compte la double aspiration à la sécurité dans la vie civile et à la sécurité en matière d'emploi, de santé ou de retraite ", à défaut, dit Jospin, la droite fructifiera seule sur ce terrain. Son problème n'est donc pas tant la sécurité des gens, mais la compétition sur ce terrain avec la droite, qui, de son côté, agit de même.
Quant à la sécurité en matière d'emploi, de santé ou de retraite, il n'y a rien à attendre de lui demain. Là il n'est pas en compétition avec la droite qui ne fait rien, pas plus que Jospin n'a agi quand il avait le moyen de le faire au gouvernement. Il se déclarait alors impuissant face aux licenciements collectifs, tout comme son successeur.
Jospin s'est cependant donné le moyen de préparer les attaques actuelles contre les retraites. Et pour éviter d'être précis sur ce que seraient les réponses - les promesses - du PS à l'avenir, il se réfugie dans les interrogations du style : " Comment parvenir à une plus juste répartition des revenus dans une économie aussi ouverte que la nôtre ? " Dans ce langage brumeux il n'est jamais question de patronat, de travailleurs, d'exploitation et de profits.
Pour l'avenir, Jospin nous propose le même programme pour que la gauche revienne au pouvoir, une copie conforme de ce qui a été fait pendant cinq ans, avec un zeste de politique sécuritaire en plus ! Rien à voir avec un véritable programme de lutte contre l'insécurité sociale dont est victime le monde du travail.
Dans ce message de Jospin, on ne trouve rien de surprenant ni de nouveau. Il est vrai que la portée de ce genre de message est ailleurs.
Jospin répond aux siens qui lui reprochaient de se taire. A ceux-là, il dit que ce qui est arrivé est la faute des autres et qu'il faudra refaire la même chose. Mais surtout, en jetant ce genre de petit caillou dans la mare, il prend date pour dire : je suis toujours là, ne m'oubliez pas ! Même si dans le même temps, il susurre : " Parler ce n'est pas revenir. J'ai quitté la vie politique ". Cela n'engage pas pour le futur. Et il y a toutes les raisons de penser que l'avenir sera parsemé, à des échéances et à des doses savemment étudiées, de ces petits gestes et autres déclarations de Jospin.
Car, il le dit lui-même, il veut être " utile ". Comme de bien entendu, à la bourgeoisie qu'il a servie pendant cinq ans et même bien plus longtemps si on remonte à 1981, date de l'élection de Mitterrand. Etre utile, sous sa plume, c'est trouver la bonne méthode, la martingale qui permettrait au PS de revenir au gouvernement. Mais pas un mot pour dire en quoi ce retour serait utile aux classes populaires. Et pour cause. Car ça n'est pas, mais pas du tout, la préoccupation des notables du PS.