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Élections régionales et européennes : Une réforme électorale pour monopoliser les sièges
Le projet du gouvernement concernant la réforme des modes de scrutin pour les prochaines élections régionales et européennes (qui auront lieu en 2004) sera présenté au Parlement en mars prochain.
Sarkozy avait consulté, pour la forme, les représentants des partis. Mais la proposition gouvernementale n'a pas changé d'un iota.
Les élections régionales se feront à la proportionnelle à deux tours, au lieu d'un seul à l'heure actuelle, avec une présentation départementale des listes. Il faudra avoir recueilli au moins 10 % des voix pour se maintenir au second tour et 5 % pour pouvoir fusionner avec une autre liste. La liste obtenant le plus de voix se verra créditée de 25 % de sièges supplémentaires. C'est ce système qui régit déjà les élections municipales dans les villes de plus de 3 500 habitants.
Les élections européennes, elles, ne se feront plus au scrutin national, mais régional, les partis devant présenter une liste dans chacune des huit grandes régions électorales retenues (sept en métropole, une pour l'outre-mer). Désormais, pour obtenir un élu, il faudra dépasser près de 10 % des suffrages, voire nettement plus.
L'objectif prétendu de ces réformes serait, disent ses initiateurs, de " rapprocher les élus de leurs concitoyens ". Dans les faits, ces tripatouillages électoraux reviennent à limiter la représentation proportionnelle, qui pourtant était déjà limitée puisqu'elle fixait un seuil de 5 % aux listes pour pouvoir obtenir des élus.
Doubler ce seuil pour les élections régionales va éliminer d'emblée les élus dits des " petites listes " et priver de toute représentation une proportion encore plus grande d'électeurs. La prime de 25 % de sièges supplémentaires attribués à la liste majoritaire ne peut non plus être qualifiée de démocratique, puisqu'elle va sur-représenter le parti majoritaire dans une région. Et on peut prédire que, pour avoir des chances de figurer au second tour, les partis politiques - surtout les minoritaires - chercheront à présenter des listes d'union dès le premier tour, quitte à composer et à modifier leurs programmes respectifs pour trouver un terrain d'entente, c'est-à-dire s'éloigner encore un peu plus de leur électorat. Cela institue un peu plus de marchandages politiques. Il est vrai que nombre de partis de gauche ou de droite conçoivent ainsi l'activité politique.
La régionalisation programmée des élections européennes va dans le même sens : corriger la proportionnelle en écartant des postes d'élus les représentants des partis minoritaires, au profit des deux partis qui dominent électoralement : à droite l'UMP, et en face le PS. Chaque région n'envoyant au Parlement européen qu'une douzaine de députés. La représentation française y serait ainsi plus " homogène ", déclare le gouvernement. Certes ! Mais cette " homogénéité " se fait là encore au détriment de la représentation des électeurs. Sans compter " l'homogénéité " qui existe, de fait, entre l'UMP et le PS, dont la politique ne se distingue guère sur nombre de sujets. C'est ainsi qu'ils conçoivent l'alternance. Et ce seront des millions d'électeurs qui n'auront pas la possibilité d'élire des femmes et des hommes qui représentent leurs idées.
Tous ces politiciens qui n'ont que le mot de démocratie à la bouche prouvent dans les faits qu'ils cherchent à se ménager une rente de situation électorale. Une représentation réelle de l'opinion serait l'inverse de ces mascarades où une partie de la population n'a pas le droit de choisir ses représentants (sans parler de ceux qui sont d'emblée écartés de la majorité des scrutins parce qu'ils n'ont pas la nationalité française), et où les élus ne se représentent devant ceux qui leur ont donné leur mandat... que tous les cinq ou six ans, quand vient le moment des échéances électorales. Car ces élus, non seulement construisent un système électoral qui leur garantit les postes, mais ils sont irrévocables pendant la durée de leur mandat, et irresponsables devant les électeurs. Pourtant, une démocratie digne de ce nom ne tolérerait pas que la majorité des électeurs soit écartée de toute représentation. C'est déjà le cas actuellement, mais ce sera pire lors des prochaines élections. Et elle supporterait aussi que les électeurs puissent contrôler leurs élus, et puissent le cas échéant, en changer.
Ce n'est certes pas cette réforme qui rapprochera les élus de la population, ni qui fera diminuer le taux d'abstention aux élections et augmenter l'intérêt d'une fraction de la population pour la vie politique. Il est vrai que cette politique, telle que la pratiquent ces politiciens, a de quoi écoeurer la population laborieuse.