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Leur société
Emplois publics fermés aux étrangers : Diviser pour régner
La RATP a décidé d'ouvrir ses emplois statutaires à toutes les nationalités. Jusqu'à présent, ils étaient réservés aux Français ou, depuis 1991, aux ressortissants des pays de l'Union Européenne. Mais si la RATP a choisi de modifier ses statuts discriminatoires, ce n'est pas le cas de la plupart des autres entreprises publiques, toujours fermées aux étrangers, ou les employant hors statut, dans des conditions beaucoup moins favorables en ce qui concerne le montant des salaires, des retraites, ou encore le déroulement de carrière et la couverture maladie.
Ainsi, la SNCF emploie un millier de travailleurs nord-africains avec un statut à part, le PS-25. Elle les a recrutés dans les années 1970. Depuis, elle n'est pratiquement pas revenue sur leur statut au rabais : à la suite des accords sur les 35 heures, ces travailleurs peuvent partir en préretraite à 55 ans, le même âge que les autres cheminots, alors qu'ils devaient attendre 60 ans auparavant. Mais l'inégalité des retraites n'a pas été supprimée.
Outre les entreprises publiques, c'est toute la Fonction publique, qui emploie au total 5,2 millions de salariés, qui est fermée aux étrangers. De nombreuses professions libérales sont elles aussi soumises à une condition de nationalité, se protégeant ainsi jalousement de leurs concurrents étrangers : avocats et notaires, médecins, chirurgiens-dentistes et sages-femmes, pharmaciens et vétérinaires, dirigeants d'une entreprise de transports de fonds, guides interprètes de tourisme, directeurs de casinos, architectes, etc. D'après une étude datant de mars 2000, cela représente près de 7 millions d'emplois totalement ou partiellement interdits aux étrangers non Européens, soit un emploi sur trois !
Cela ne date pas d'hier. Les dispositions discriminatoires se sont accumulées en fait depuis les années 1880. Pour la plupart prises dans des périodes de montée du chômage, elles ont été maintenues au fil des années. Ainsi la Compagnie de Chemins de fer d'Orléans exigea la première la nationalité française, en 1888, et fut bientôt suivie par les autres compagnies qui se partageaient à l'époque l'exploitation du chemin de fer. Lorsque la SNCF fut créée, la clause excluant les étrangers fut maintenue dans les statuts de cette entreprise publique.
L'interdiction des étrangers dans la Fonction publique remonte aussi à la fin du 19e siècle. Ce fut aussi l'époque où diverses professions libérales firent l'objet de mesures discriminatoires. Les médecins, par exemple, obtinrent en 1892, après une forte mobilisation de la corporation, que l'exercice de la profession soit interdit aux praticiens sans diplôme français. Une loi de 1933 alla plus loin : il fallut alors de plus être de nationalité française pour avoir le droit d'exercer. Depuis, l'interdiction demeure, mais elle n'a pas empêché les hôpitaux français de recruter des médecins étrangers pour combler leur déficit de personnel depuis 20 ans. Les 8 000 médecins étrangers, dits " médecins attachés associés ", assurent aujourd'hui plus de la moitié des gardes et des urgences en France, et représentent un médecin sur quatre dans les hôpitaux... Tout cela pour des salaires inférieurs de moitié à ceux de leurs homologues français.
Les lois discriminatoires envers les travailleurs étrangers n'ont jamais empêché le patronat français de faire appel à eux lorsqu'il en a eu besoin. Les cartes de travail et cartes de séjour réservées aux étrangers (la première date de 1917), les expulsions de travailleurs étrangers licenciés ou en situation irrégulière... tout cet arsenal réglementaire leur a en revanche permis de les exploiter plus encore que leurs camarades français !
Ce n'est pas seulement par esprit de justice qu'il faut s'opposer à toutes les mesures discriminatoires frappant les travailleurs étrangers, mais parce qu'elles divisent et affaiblissent le camp de tous les travailleurs.