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Leur société
Buffalo Grill : Beef connection
Le moins que l'on puisse dire, c'est que l'affaire de Buffalo Grill manque de clarté. Entre les accusations de deux cadres concernant les achats de viande bovine britannique à un moment où l'embargo était décrété, les dénégations puis les rétractations du PDG, Christian Picart, sans parler des soupçons de " lavage " en baratte de viandes ayant dépassé la date limite de consommation, voilà qui donne un arrière-goût déplaisant aux steacks et autres T-bones de cette chaîne de restaurants...
Il semble cependant acquis que Buffalo Grill a importé de la viande de Grande-Bretagne avant l'embargo décrété en mars 1996. Cela n'était pas illégal à l'époque, mais l'épidémie qui frappait le cheptel britannique était alors connue de tous, puisqu'elle avait été reconnue dès 1988, et les risques de transmission à l'homme de la maladie de Creutzfeld-Jacob ne pouvaient être écartés. Et pourtant, les autorités sont restées muettes, attendant bien tard de décider un embargo.
Après l'embargo, la société Districoupe, qui approvisionne Buffalo Grill, aurait continué à écouler des stocks de viande... après avoir enlevé l'estampille indiquant leur provenance, ce qui évite d'avoir à se poser trop de questions sur l'aspect juridique ou moral de cette mise en circulation.
Mais si Buffalo Grill est aujourd'hui pointé du doigt, il ne doit pas être le seul, loin s'en faut, à utiliser de telles pratiques. D'abord, la viande était achetée au marché de Rungis, où il n'est pas le seul à se fournir. Ensuite, comme le relève un employé, écouler de la viande britannique frappée d'embargo ne pouvait se faire sans " une filière structurée qui va des fournisseurs aux revendeurs, passe par les transporteurs, la distribution, la facturation et l'encaissement ". Autrement dit, cela implique toute une chaîne de complicités qui va bien au-delà d'un seul restaurateur et pour son bénéfice exclusif.
La responsabilité des États européens, et plus particulièrement de la France en ce qui concerne Buffalo Grill, est elle aussi en cause. Combien de temps, de tergiversations leur a-t-il fallu avant d'interdire l'importation de viande bovine de Grande-Bretagne ? Tout comme elles ont attendu plus de dix ans (décembre 2000) pour interdire l'utilisation des farines animales dans la nourriture de tous les animaux, et non uniquement celle des ruminants, comme c'était le cas depuis 1994. Car il était beaucoup plus difficile aux autorités d'affronter les industriels français de l'agro-alimentaire (jamais nommés, même lorsque des " irrégularités " étaient relevées), que les éleveurs britanniques ! Et alors que viande et farines continuaient à s'écouler au travers de filières soi-disant clandestines, les responsables politiques ont fermé les yeux devant ces trafics. Face aux intérêts économiques de ces maquignons, le " principe de précaution " ne pesait pas lourd...