38 millions d'Africains menacés par la famine : Un drame qui n'a pas que des causes naturelles25/12/20022002Journal/medias/journalnumero/images/2002/12/une1795.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

38 millions d'Africains menacés par la famine : Un drame qui n'a pas que des causes naturelles

L'agence de l'ONU baptisée Programme Alimentaire Mondial (PAM) vient de lancer une " Alerte à la faim en Afrique ". Selon son directeur, 38 millions d'Africains sont menacés par la famine, victimes d'une crise sans précédent sur le continent.

Cette situation dramatique résulte de plusieurs facteurs, à commencer par plusieurs années consécutives de mauvaises récoltes, amplifiées par la sécheresse. En Mauritanie notamment, 400 000 personnes auraient besoin d'une aide alimentaire d'urgence car, pour la deuxième année consécutive, le pays est en proie à la sécheresse en raison de précipitations insuffisantes et mal réparties. Du coup, cette année, la production céréalière est en baisse de 18 % par rapport à l'an dernier, où elle était déjà en recul de 32 % sur la précédente.

En Ethiopie, les années de guerre avec l'Erythrée ont aggravé une misère chronique. Le salaire moyen n'y dépasse pas 0,30 euro par jour. Quatre millions de personnes sont en permanence trop pauvres pour subvenir à leurs besoins, et aujourd'hui de 10 à 14 millions de personnes sont menacées par une nouvelle sécheresse.

L'Afrique australe, avec le Lesotho, le Malawi, le Mozambique, le Swaziland, la Zambie et le Zimbabwe, est tout particulièrement touchée par la famine. Selon un rapport de la FAO consacré à la Zambie, " les gens recourent à des mesures désespérées, y compris manger des plantes ou des écorces sauvages potentiellement vénéneuses, voler des récoltes, ou se prostituer pour pouvoir acheter à manger pour leur famille ".

Pour le PAM, l'urgence est d'autant plus forte que le continent africain est en état de moindre résistance du fait du sida. Dans certaines régions de la République du Congo ou du Zimbabwe, où plus de 40 % de la population est atteinte par le virus, les gens sont trop faibles pour pouvoir travailler leurs champs et sont les premiers menacés de mort, tandis qu'en Zambie l'effet conjugué de l'épidémie et des autres conséquences de la misère ont ramené l'espérance de vie à 37 ans !

" Nous avons toujours dit clairement que les causes des crises étaient multiples, autant politiques que naturelles ", déclarait au journal Le Monde le responsable du PAM, qui par ailleurs s'est empressé de désigner des responsabilités politiques choisies, comme celles du gouvernement de Mugabé au Zimbabwe, dont les expropriations auraient aggravé les conséquences de la sécheresse, une des pires des dernières décennies. Mais rien n'a été dit sur le fait que la situation s'est surtout dégradée avec l'asphyxie financière du pays orchestrée par le FMI et la Banque Mondiale, sans parler du sabotage des activités d'import-export par les lobbies blancs. Ces lobbies se confondent d'ailleurs avec les quelques milliers de grands fermiers blancs, issus de la colonisation britannique, qui accaparent toujours l'essentiel des meilleures terres et s'opposent à toute réforme agraire.

Certes, comme le soulignent les représentants des agences humanitaires dépendant de l'ONU, les dirigeants des États africains, dont la plupart sont corrompus et plus enclins à faire la guerre à leurs minorités ou à leurs opposants que de s'occuper du sort des populations, ont leur part de responsabilité. Mais tous restent muets quant aux responsabilités de l'impérialisme et des trusts agro-alimentaires, qui sont pourtant plus grandes encore. La situation de l'Afrique n'est pas seulement l'héritage d'un long passé colonial, qui a ruiné l'agriculture vivrière traditionnelle et laissé ce continent exsangue en proie à de nombreux conflits ethniques ou frontaliers résultant de découpages arbitraires. Elle est aussi la conséquence d'un échange inégal chronique entre pays riches et pays pauvres, qui accroît le fossé qui les sépare et permet aux premiers de priver les seconds d'une partie de la richesse qu'y produisent les populations. C'est ainsi par exemple que, dans certains de ces pays, les petits producteurs africains sont tout simplement étranglés par les multinationales qui dominent la production du café, du cacao, du coton ou de l'arachide.

Le drame que subissent les populations d'Afrique ne sera pas résolu par une simple aide alimentaire, que les grandes puissances ne sont d'ailleurs pas prêtes à assumer. C'est toute l'organisation économique à l'échelle de la planète qu'il faudrait transformer pour la débarrasser du capitalisme et du profit, et ainsi pouvoir venir à bout des drames épouvantables dus à la malnutrition.

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