Banques: Le rachat du Crédit Lyonnais par le Crédit Agricole : à quel prix pour les salariés ?18/12/20022002Journal/medias/journalnumero/images/2002/12/une1794.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Banques: Le rachat du Crédit Lyonnais par le Crédit Agricole : à quel prix pour les salariés ?

Samedi 23 novembre, BNP Paribas rachetait les 10,91 % du capital du Crédit Lyonnais détenus par l'État et vendus aux enchères par le gouvernement.

BNP Paribas a ensuite acheté en Bourse 5,23 % d'actions, portant sa part dans le capital à 16,23 %. Puis le Crédit Agricole a réagi et, multipliant des achats en Bourse, est redevenu le premier actionnaire du Crédit Lyonnais, en disposant de 17,40 % de son capital.

Les discussions entre les dirigeants du Crédit Lyonnais et ceux du Crédit Agricole ont alors repris. Il en a résulté, dimanche 15 décembre, une offre de rachat en Bourse du Crédit Lyonnais par le Crédit Agricole. Celui-ci propose de payer l'action 56 euros, les deux tiers en espèce, et un tiers en actions du Crédit Agricole.

Plusieurs des banques et des compagnies d'assurances (BBVA, Commerzbank, Banca Intesa, AGF), qui sont les gros actionnaires du Crédit Lyonnais, ont déjà donné leur accord pour accepter l'offre du Crédit Agricole, qui ainsi est assuré de détenir 38 % du capital.

Le rachat du Crédit Lyonnais par le Crédit Agricole semble donc sur les rails. Les dirigeants des deux banques tiennent à dire qu'il s'agit-là d'un " rapprochement amical " et que le Crédit Lyonnais gardera son nom et son réseau d'agences. Ils saluent la création d'un groupe de dimension européenne, comptant - entre autres - plus de 9200 agences et 20 millions de clients particuliers.

Pour les actionnaires, l'opération est très rentable puisque l'action Crédit Lyonnais vaut actuellement deux fois plus que lors de la privatisation de 1999. Mais pour le personnel, c'est une autre affaire. En effet, si les conseils d'administration des deux banques qui se marient insistent sur leur " forte complémentarité ", ils insistent aussi sur les " synergies de coûts ". Traduisez : " économies de frais de personnel ".

Tous les secteurs sont visés, avec notamment des plates-formes communes de traitement des opérations dans la banque des particuliers, une progression de la rentabilité dans les services financiers spécialisés, la mise en commun des secteurs administratifs dans la gestion d'actifs (boursiers pour l'essentiel).

Mais c'est le secteur de la banque de financement et d'investissement, qui traite les affaires des grandes entreprises et chapeaute les implantations à l'étranger, qui se retrouve plus particulièrement sur la sellette. Dans ce secteur, en effet, les banquiers veulent réaliser 60 % des " synergies de coûts " totales et ils veulent agir vite. Dès avril 2003, une filiale commune serait créée. Au total, il y aurait 4 600 suppressions d'emplois sur le nouveau groupe.

Il n'y aura " aucun départ contraint "... en France, disent les banquiers. Ce serait donc, s'ils disent vrai, qu'il y en aurait à l'étranger.

Nous sommes, malheureusement, bien placés au Crédit Lyonnais pour savoir ce que peut signifier " départ volontaire ". Les banquiers sont passés maîtres dans l'art d'indiquer aux salariés la porte de sortie, sans avoir à licencier.

Au Crédit Lyonnais, parmi le personnel, beaucoup sont plutôt soulagés car ils craignaient (et les directions syndicales avaient beaucoup insisté là-dessus) qu'en cas d'absorption par BNP Paribas, la situation soit pire.

Dans des secteurs de la banque de financement et d'investissement, l'inquiétude est plus sensible. Mais comme il y a plusieurs semaines de délai pour que l'opération de rachat en Bourse devienne effective, cela contribue à donner l'impression qu'il n'y a pas de péril imminent.

En fait, les menaces sont déjà bel et bien présentes et concernent tous les secteurs, d'autant que les " synergies de coûts " liées à l'achat du Crédit Lyonnais par le Crédit Agricole s'ajoutent aux réductions d'effectifs déjà programmées par la direction du Crédit Lyonnais, particulièrement dans les secteurs administratifs et les unités de traitement des opérations.

Dans ce rachat, des sommes folles qui se chiffrent par milliards d'euros ont été mises en jeu par les banquiers. Ces sommes permettraient de maintenir tous les emplois. C'est donc à bon droit que le personnel - du Crédit Lyonnais comme du Crédit Agricole - doit refuser de faire les frais de cette opération qui va se traduire par des pertes d'emploi et la dégradation des conditions de travail, alors que les actionnaires se frottent les mains.

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