CITROEN (Aulnay) : La sécurité, façade et réalité21/11/20022002Journal/medias/journalnumero/images/2002/11/une1790.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

CITROEN (Aulnay) : La sécurité, façade et réalité

Le responsable à la sécurité du groupe automobile PCA (Peugeot-Citroën Automobile) se vante de pouvoir facilement établir le " document unique " sensé évaluer tous les risques pour la santé et la sécurité des travailleurs dans les usines. Ce document est obligatoire depuis la parution d'une circulaire ministérielle du 5 novembre. C'est peu, mais PCA fait déjà du zèle pour ce qui concerne la façade, le papier. Car derrière, la réalité est tout autre.

Par exemple, en ce moment à l'usine d'Aulnay dans la région parisienne, est lancé un " challenge sécurité ". Avec un tel intitulé, on pourrait croire qu'il va s'agir de sécurité, mais ça n'en a que le nom !

Ce " challenge " consiste à mettre en concurrence en matière de déclaration d'accidents, les équipes de l'usine entre elles ; chaque équipe comporte une à plusieurs dizaines d'ouvriers. Chaque fois qu'un ouvrier de l'équipe va se soigner à l'infirmerie, c'est 20 points de moins ; s'il déclare un accident sans arrêt de travail, 30 points ; enfin, le plus " cher " est s'il y a arrêt de travail : il en coûte alors 50 points. L'équipe gagnante est celle qui a le moins de points ; la somme des " mauvais points " se fait tous les six mois. La récompense se monte à 60 euros pour chaque ouvrier de l'équipe.

Ce soi-disant défi sert surtout à la direction pour organiser la pression collective d'une équipe sur chacun de ses membres... pour qu'il y ait le moins de passage à l'infirmerie, moins de déclarations d'accident, autant d'actes qui " coûtent " à la direction. Par contre, les 60 euros multipliés par le nombre d'ouvriers tous les six mois ne vont pas lui coûter bien cher... Quant à la sécurité des travailleurs, on ne voit rien qui l'augmente !

Par contre, diminuer les déclarations, la direction y gagne en payant beaucoup moins de cotisations à la caisse " accidents de travail " de la Sécurité sociale car elles sont directement calculées sur le nombre d'accidents s'ils s'accompagnent d'arrêts de travail. De plus, si la direction arrive à prouver ses efforts en matière de sécurité, elle bénéficie de ristournes qui ne sont pas minces.

Pourtant déjà, les statistiques d'accidents de l'usine ne reflètent pas la réalité. Ceux qui touchent les travailleurs intérimaires ou d'entreprises sous-traitantes ne sont pas mis au compte de PCA. Et ce sont pourtant ces travailleurs qui en sont le plus souvent et le plus gravement victimes, fait d'une moindre connaissance de l'usine. Sur les chaînes de montage ou de ferrage, ils représentent une forte proportion : plus de 2 300 travailleurs à côté des 3 200 travailleurs " en fixe ". Systématiquement, un travailleur intérimaire qui a un accident voit sa mission se terminer. Comme sa déclaration doit être faite par l'agence d'intérim, il ne reste donc pratiquement plus de trace de ces accidents à l'usine. Pour la sous-traitance, cela revient au même, en pire peut-être dans le sens où ces entreprises extérieures, pour récupérer les marchés, acceptent des coûts inférieurs. Ces patrons se rattrapent ensuite sur les conditions de travail des ouvriers.

Depuis longtemps, des pressions sont exercées sur les travailleurs pour qu'ils renoncent à se soigner ou à déclarer leur accident. Il n'est pas rare de voir des travailleurs blessés être au travail. Même les chefs sont poussés à venir : dernièrement, on en a vu un, le bras en écharpe, un autre avec des béquilles

Avec ce " challenge ", la direction espère mettre en place une nouvelle méthode, qui gagne en discrétion. Pour la direction, ce serait tellement mieux, si les ouvriers eux-mêmes ne déclaraient pas leurs accidents du travail !

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