Comme chaque 11 novembre, on a eu droit aux commémorations officielles qui se sont déroulées, du moins à Paris, sous haute protection policière, pour éviter à Chirac le sort des « poilus » de Verdun. Les émissions montrant les derniers « poilus » et l'horreur des tranchées ont au moins permis de voir quelques aspects de ce qui fut - il n'y a pas d'autre nom - une boucherie.

Depuis quelques années, a été rappelé le sort des fusillés pour l'exemple dont la plupart des commentateurs ont tenu à souligner qu'ils n'étaient pas des traîtres ni de « mauvais patriotes » mais simplement des hommes à bout de souffrance, et le mot est faible. Et, comme d'habitude, la tonalité générale des discours a consisté à déplorer les horreurs de la guerre, sans chercher à mettre en accusation les responsables de ces massacres : les dirigeants des puissances impérialistes.

Il est vrai que ce fut un massacre sans nom : dix millions de morts en Europe, dont huit millions de combattants, sans compter les millions de blessés, amputés, gazés, « gueules cassées » ; 500 000 tués rien qu'à Verdun pour que chaque camp retrouve, en moins d'une année, les positions qu'il tenait au début de l'offensive ; un conflit mondial, sur mer, sur terre avec l'enlisement dans la boue des tranchées, en Europe, au Moyen-Orient ; un conflit où on expérimenta les armes modernes de l'époque, avions, tanks et gaz asphyxiants ; bref, une « première » dans la guerre générale qu'on présentait alors comme la « der des ders » et qui ne fut pas la dernière, puisqu'elle mettait en place tous les ingrédients de la Seconde Guerre mondiale, celle de 1939-1945.

Seuls quelques survivants peuvent encore témoigner directement de ce carnage ; mais toute l'histoire atteste qu'ils furent sacrifiés pour les appétits de conquête des puissances impérialistes. Et ce repartage du monde, payé par le rationnement et une vie difficile pour la population pauvre et par la mort pour des millions d'hommes, se fit au profit des marchands de canons et de bien d'autres industriels et banquiers. Comme le disait fort justement Anatole France, à l'issue de ce premier conflit mondial : « On croit mourir pour la patrie, on meurt pour les industriels et les banquiers. »

Les gouvernants d'aujourd'hui parlent de paix en Europe et dans le monde mais ils défendent le même système que ceux qui déclenchèrent la Première Guerre mondiale, les mêmes intérêts financiers ou stratégiques.

De la Seconde Guerre mondiale aux guerres coloniales, en passant par les multiples conflits en cours où interviennent les grandes puissances, on a vu et on voit cette volonté de maintenir leur ordre par tous les moyens. Cela relativise tous les discours officiels pacifico-cocardiers qu'on nous ressert à chaque commémoration.