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- Lutte ouvrière n°1788
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Editorial
Il faut combattre l'insecurite sociale
L'offensive du gouvernement Chirac-Raffarin contre les salariés ne connaît pas de trêve. Il y a quelques semaines, le ministre du Travail Fillon présentait son projet d'assouplissement des procédures de licenciements collectifs, au moment même où était rendue publique une véritable déferlante de plans sociaux. Preuve que, même avec la législation en place, les patrons ne rencontrent guère d'entrave pour licencier.
Dans la foulée, les mesures envisagées pour réformer la Sécurité Sociale sont aussi inquiétantes. Jacques Barrot, ancien ministre de la Santé, porte-parole du parti de Chirac à l'Assemblée nationale, expliquait qu'il était souhaitable qu'il y ait "une concentration de l'assurance maladie obligatoire sur toutes les maladies graves", ajoutant que "pour le maintien en santé, il faut que chaque Français puisse être en mesure d'avoir une assurance complémentaire pour le faire". Il eut beau, après coup, déclarer qu'on avait caricaturé ses propos, l'orientation est pourtant claire, et sans surprise. Elle est dans la logique de tous les choix du gouvernement et de ceux du gouvernement de la "gauche plurielle" précédent.
La Sécu ne rembourserait donc que les maladies graves ; mais où cela commence-t-il donc ? Et comment savoir si l'évolution d'une maladie "non grave" ne conduirait pas à une détérioration plus grave de la santé ? Un tel système conduirait, plus encore qu'actuellement, à une médecine à deux niveaux, l'une pour ceux qui pourraient se payer une bonne assurance complémentaire, et l'autre pour ceux qui n'en auraient pas les moyens.
C'est pain bénit pour les compagnies d'assurances, qui depuis longtemps lorgnent sur le coquet magot que cela représente. Mais pour les salariés, la perspective est moins réjouissante, même pour ceux qui pourraient s'offrir, si l'on ose dire, une assurance complémentaire. Celle-ci risque d'ailleurs de devenir, à terme, l'assurance principale.
Une mainmise encore plus grande des assurances privées sur la couverture maladie n'est pas la garantie que cette couverture sera meilleure, ni même qu'elle soit garantie. Car ces fonds, à la disposition des compagnies d'assurances privées, serviront à la spéculation, à l'exemple des fonds de pension. On se souvient des conséquences catastrophiques de telles pratiques aux USA lors de la faillite d'Enron, et d'autres grosses sociétés financières.
Mais, explique-t-on, il faut bien combler le "trou" de la Sécu, qui ne cesserait de s'approfondir. Mais pourquoi ne commence-t-on pas par supprimer les charges indues que les gouvernements successifs ont fait peser sur le budget de la Sécu, et en premier lieu celles qui servent à financer le patronat, soit sous forme de subventions directes, soit sous forme d'exonérations de cotisations ? Il ne faudrait pas oublier non plus que si le déficit de la Sécurité sociale se creuse, c'est à la fois dû à l'accroissement du chômage, qui réduit le nombre des cotisants, et à la faiblesse des salaires. Et puis, pourquoi ne prendrait-on pas sur les profits actuels et passés des richissimes sociétés pharmaceutiques ?
Au lieu de se tourner vers le patronat, qui a pourtant une grosse part de responsabilité dans les difficultés de la Sécu, le gouvernement choisit de s'en prendre aux salariés et montre du doigt les malades qu'il faudrait, dit-il, comble du ridicule, responsabiliser. Comme si les malades étaient responsables de leurs maladies et des médicaments qu'on leur prescrit. Comme si, au 21ème siècle, pouvoir accéder à de meilleurs soins, même pour des maladies ordinaires, était un luxe quand on est salarié !
Ce n'est pas acceptable.
Il faudra montrer à ce gouvernement que s'il touche à la Sécu, et plus tard, s'il tente d'aggraver les attaques contre les retraites, comme il en a le projet, il se heurtera à la riposte de tous les salariés.
Les amis de Juppé auraient tort d'oublier la leçon de 1995.