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Leur société
Suppression des loyers de 48 : Cadeau pour les propriétaires
" 1948 est une mauvaise année pour vous. Je le sais. Aussi je vous annonce le retour au droit commun pour ces logements. " Lors du congrès de l'UNPI (Union nationale de la propriété immobilière), Gilles de Robien, le ministre du Logement, a annoncé ainsi, devant un parterre de propriétaires ravis, la fin de la loi de 1948.
C'est donc la mort de ce qui restait des loyers conventionnés dans le cadre de cette loi et le basculement des quelques dizaines de milliers d'appartements anciens à loyer modéré dans le domaine des loyers librement fixés par les propriétaires privés.
La loi de 1948 visait à juguler la flambée des loyers après guerre, alors qu'une grave pénurie de logements sévissait dans les grandes villes du pays. La loi cherchait entre autres à désamorcer toute contestation à un moment où la situation économique et sociale était lourde de risques d'explosion.
Initialement, cette loi permettait à des familles ouvrières ou de milieu populaire de se loger à un coût modique. Elle bloquait les loyers à un niveau en moyenne deux à cinq fois moins cher que les autres. Elle octroyait un bail à durée indéterminée, autorisait la transmission de l'appartement au conjoint, aux enfants, pourvu que la famille l'ait occupé pendant un an. Pour toute une partie de la classe ouvrière et des milieux populaires, c'était un moyen de se loger relativement " à bon marché ", même si souvent les appartements étaient mal entretenus par des propriétaires peu enclins à investir dans des immeubles qu'ils considéraient comme de " faible rapport ".
Progressivement, sous la pression des propriétaires, beaucoup d'appartements sont " sortis " de la loi de 1948. Différentes lois (1967 et 1975) ont ainsi écarté les appartements les mieux équipés. En 1987, un décret permit même au propriétaire de proposer " un bail de sortie " à son locataire lorsque certaines normes de confort étaient respectées, comme la présence d'une salle d'eau, par exemple. Au bout du compte, le nombre de bénéficiaires de cette loi n'a cessé de diminuer depuis trente ans. En Île-de-France, le nombre de logements soumis à la loi de 1948 est passé de 534 000 en 1973 à 94 000 en 1996. En 2001, il n'en restait plus qu'environ 50 000, essentiellement occupés par des personnes âgées, pour l'instant encore " protégées " par la loi, quant à leur maintien dans les lieux, même si ceux-ci se sont délabrés au fil des ans, les propriétaires refusant de faire les travaux nécessaires.
Qu'en sera-t-il avec les nouvelles dispositions en préparation ? Gilles de Robien assure que la " sortie " de la loi de 1948 se fera par étapes, par négociation, que " les personnes âgées et celles qui ont de faibles revenus demeureront protégées ". Comment le croire alors qu'il vient de montrer qu'il est prêt à satisfaire les exigences des propriétaires privés de logements anciens ? Et ceux-ci sont seulement préoccupés de récupérer leur bien pour le louer plus cher, beaucoup plus cher. Mettre ou laisser un toit au-dessus de la tête de tous ceux qui en ont besoin est le cadet de leurs soucis... comme c'est d'ailleurs le cadet des soucis du ministre.