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Brésil : Lula élu, mais pour honorer quelles promesses ?
Dimanche 27 octobre, comme il était prévisible, avec plus de 61 % des suffrages, Lula a facilement battu son concurrent José Serra. Devant ses partisans en liesse, il a prononcé les discours d'usage, remerciant ses électeurs, promettant d'être le président de tous les Brésiliens et de " construire un pays solidaire ". Il a aussi affirmé que " la partie difficile commence maintenant ". Mais elle sera difficile pour qui ? Pour Lula lui-même et son parti, le Parti des Travailleurs ? C'est possible. Mais plus sûrement pour toute la population pauvre du Brésil, et en premier lieu les travailleurs, qui risquent bien d'attendre en vain la réalisation des promesses que leur a faites le candidat Lula.
Lula ne sera intronisé président que le 1er janvier 2003. D'ici là, son équipe va progressivement codiriger le pays avec le président sortant Fernando Henrique Cardoso et ses ministres. Ces deux mois donneront déjà des indications sur la future politique de Lula. Sa campagne électorale, visant à rassembler le plus de voix possible dans toutes les couches sociales, promettait tout à tous. Mais gouverner, ce sera choisir : tenter de réaliser les promesses faites aux bourgeois ou celles faites aux travailleurs et aux pauvres.
Car Lula a promis, comme les autres candidats à la présidence, de résoudre les problèmes des couches populaires. Il s'est engagé à lutter contre le chômage, en créant 10 millions d'emplois ; contre la faim, en donnant à 44 millions de pauvres des bons d'alimentation ; contre la misère, en revalorisant les salaires, en particulier ceux des fonctionnaires, ainsi que le salaire mininum (aujourd'hui 50 euros par mois) ; contre la répartition inégalitaire de la terre, par une réforme agraire qui satisfasse les 12 millions de sans-terre ; contre la violence exercée par les gangs ; contre les privatisations, la spéculation, etc.
Mais Lula s'est engagé à résoudre tous ces problèmes sans s'en prendre aux riches, sans toucher en quoi que ce soit au pouvoir économique et social de la bourgeoisie. Car il a promis aussi de s'en tenir à la rigueur fiscale, en évitant tout déficit dans les comptes de l'État, de respecter les marchés, de respecter les engagements internationaux pris par le président Cardoso, en particulier vis-à-vis des créanciers impérialistes et du Fonds Monétaire International, de défendre l'industrie nationale et la monnaie.
Pour concilier ces promesses inconciliables, Lula propose de réunir toutes les forces vives du pays, " les patrons, les syndicalistes, les travailleurs ruraux, les intellectuels, bref toute la société brésilienne ", et de leur faire signer un " pacte social ". L'exemple auquel il se réfère explicitement est le pacte de la Moncloa, conclu en Espagne en juillet 1977, après deux années marquées par des luttes sociales très vives, et qui assura à Juan Carlos et aux patrons la paix sociale pour de nombreuses années. Cela revient à dire que les travailleurs ne doivent s'attendre à rien, à part de belles paroles et des encouragements à l'effort.
On peut prévoir que Lula et les dirigeants du PT sauront trouver de bonnes raisons pour faire accepter tous les reculs aux travailleurs. Ils feront valoir " l'héritage " laissé par la droite, la nécessité de s'allier avec des partis de droite pour avoir une majorité au Parlement (le PT est passé de 48 à 91 députés... sur 513), les postes de pouvoir détenus par la droite dans les différents États (le PT n'en gouverne que 3 sur 27), dans les municipalités, au Sénat, les pressions internationales, la nécessité de ne pas braquer les entrepreneurs, le " mur de l'argent ", etc. Les gouvernements dits de gauche, sous toutes les latitudes, ont toujours su invoquer ce type de raisons pour justifier le fait de s'incliner devant le pouvoir économique de la bourgeoisie et faire payer les travailleurs.