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Leur société
Décentralisation et attaques contre les services publics
Raffarin, le Premier ministre, est en tournée à travers tout le pays pour défendre la relance de la décentralisation voulue par Chirac.
En réalité, depuis le début, depuis les lois Defferre de 1982 sous l'Union de la gauche, cette décentralisation a permis de réaliser des économies budgétaires sur le dos de la population. Chaque fois l'État a délégué aux départements, aux régions, voire aux communes, une des charges qu'il assurait auparavant.
Par exemple, quand le gouvernement a transmis la construction et l'entretien des lycées aux régions, il n'a même pas redonné le peu consacré à ce poste budgétaire au niveau national. Dès le départ le montant des reversements aux régions était déficitaire, dans une situation où des retards énormes de réhabilitations ou de constructions s'étaient accumulés.
Détournements de fonds publics
Mais le gouvernement de l'époque et ceux qui l'ont suivi ce sont bien gardés de baisser les impôts centraux payés par la population en proportion des économies successives résultant de ces transferts de responsabilités en direction des diverses collectivités locales. C'est que depuis vingt ans une part toujours plus grande est détournée des caisses publiques pour aller directement dans les poches du grand patronat et des classes riches. Il faut bien trouver l'argent pour financer les quelques trois cents milliards de francs qui sont le montant, estimé il y a quelques mois, des aides directes et indirectes au patronat.
Tous les maires des grandes villes, présidents de Conseils régionaux et Conseils généraux, ont été et sont complices de cette politique. À l'occasion ils savent dénoncer le fait que l'État ne paye jamais ce qu'il s'est engagé à payer, mais c'est souvent uniquement pour justifier leurs propres choix. Ils sont trop intéressés à gérer en direct des budgets importants, avec les possibilités que cela confère, pour remettre en cause cette politique. Les budgets d'une grande ville, d'un département ou d'une région sont le moyen de servir toute une clientèle de grands bourgeois, des entreprises du bâtiment et des travaux publics aux officines patronales de formation et à bien d'autres entreprises.
Ainsi, à travers la formation professionnelle dont ils ont la charge, les Conseils régionaux financent à tout va les centres d'apprentissage gérés par les chambres patronales et les chambres de commerce, alors que dans le même temps l'enseignement technique est scandaleusement sous-équipé. Pourtant, les lycées professionnels sont également pour partie sous la responsabilité de ces mêmes conseils régionaux.
Les différents responsables de régions expliquent qu'il faut, comme le demande le patronat, étendre toujours plus l'apprentissage en lieu et place de la formation générale qui serait dispensée en pure perte. À gauche comme à droite, les élus défendent une politique, voulue par l'ancien gouvernement et reprise par celui-ci, qui consiste à transformer de plus en plus de classes des lycées professionnels en... classes d'apprentissage ; on voit ainsi l'Éducation nationale démolir elle-même l'éducation qu'elle était sensée apporter aux enfants de travailleurs.
Voilà donc ce que réserve cette décentralisation, car le patronat local est encore plus borné et réactionnaire que la grande bourgeoisie qui inspire la politique des gouvernements. C'est lui qui se retrouve maître des choix, car toute la classe politique représentant les partis de gouvernement lui est intimement liée. La société et la population travailleuse en particulier, ne peuvent en aucun cas attendre de la part de ces gens-là plus d'attention vis-à-vis de leurs intérêts.
Les manques et retards de l'état
En tout état de cause, la fiscalité locale serait impuissante à relever les manques de l'État, même si les responsables locaux le voulaient. Les deux derniers grands dossiers transmis aux régions par le gouvernement de gauche le montrent. Les transports ferroviaires ont été régionalisés sous la houlette de Gayssot, ministre PC des transports, dans le but quasi ouvert de préparer la privatisation de ce secteur. Il fallait voir, dans certaines régions, les responsables socialistes expliquer à leurs collègues de droite un peu bouchés, que " demain nous ne serons pas obligés de prendre la SNCF comme prestataire ". Mais le retard pris et les besoins les plus urgents dans le domaine ferroviaire, nécessiteraient des investissements immédiats qui se comptent en milliards de francs, impossibles à assumer par les régions.
Les régions commencent donc maintenant à s'endetter, sans savoir où cela va les mener. Mais, avantage supplémentaire pour l'État, c'est en partie sur elles que le mécontentement de la population sera détourné. Il en est de même pour les départements, qui se sont vu confier la charge d'assumer le financement des personnes dépendantes sans recevoir, et de loin , ce qu'il faudrait de l'État. Là aussi, cela représente une charge énorme de plusieurs milliers d'euros par an et par personne, ce qui fait que les présidents de conseils généraux parlent aujourd'hui de diminuer les prestations servies.
Cette situation catastrophique n'empêche pas les notables locaux de tous bords de réclamer de nouveaux transferts de compétences dans tous les domaines, et bien au-delà de ce que le gouvernement a évoqué. On parle de l'éducation au sens large, de la formation des enseignants, des infirmières et des médecins, de la santé....Rien que dans le domaine de la santé, au-delà des inégalités régionales qui ne pourraient que s'accroître on peut imaginer quel pactole cela pourrait représenter pour le privé au détriment du service public de la santé et de la population.
Alors, l'urgent en fait, c'est bien de dénoncer cette politique de décentralisation qui vise à faire des coupes claires dans les budgets de l'État les plus vitaux, ceux des services publics utiles à la population, voire à préparer leur privatisation à l'image de ce qui s'est fait ou se fait dans d'autres pays européens. Il faut mettre un coup d'arrêt à ce qui serait encore un recul grave par rapport à la situation peu brillante d'aujourd'hui.