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Dans l'enseignement
Santé : Que les malades paient et que l'industrie prospère !
Devant les cadres de l'industrie pharmaceutique rassemblés pour leur réunion de rentrée, le 26 septembre, Jean-François Mattéi a été très clair sur le choix du gouvernement : ceux qui renfloueront le budget de la Sécurité sociale seront les malades, et pas les laboratoires.
Rembourser au prix des génériques
Concernant le projet de remboursement des médicaments de marque sur la base du prix des génériques, après avoir déclaré : " Tout le monde comprend une pédagogie simple : on ne peut pas payer plus cher une même molécule avec la même efficacité ", le ministre a enchaîné : " Cette mesure a fait ses preuves dans d'autres pays. Elle responsabilise le patient qui paie la différence s'il veut assumer l'écart de prix pour des convenances personnelles ".
Bien sûr qu'il n'y a aucune raison de payer un médicament 30 à 40 % plus cher que son générique sous le seul prétexte qu'il est vendu sous son nom de marque par le laboratoire détenteur du brevet. Mais pourquoi faire payer ce surcoût aux patients ?
Les laboratoires détenteurs de brevets protestent au nom des investissements qu'ils ont dû réaliser pour mettre de nouveaux médicaments sur le marché, ils pleurent sur la concurrence déloyale des laboratoires qui s'emparent des molécules ainsi libérées de toute protection commerciale, ils réclament des compensations. Mais, au bout de dix ans de monopole, de commercialisation au prix fort et sans concurrence, les médicaments de marque sont largement rentabilisés. Sinon, ils n'auraient jamais été mis sur le marché car, comme n'importe quelle autre marchandise, les médicaments ne sont commercialisés que s'ils laissent entrevoir des " retours sur investissements ". Et, s'ils soignent, ce n'est qu'un de leurs effets secondaires, leur effet principal étant de gonfler le portefeuille des actionnaires.
Quant aux laboratoires qui commercialisent les génériques, leur souci n'est pas non plus orienté vers la " santé publique ". Aujourd'hui, douze gros laboratoires " génériqueurs " se partagent le marché. Ils sont issus des grands trusts internationaux promoteurs des médicaments de marque : les Aventis, Servier, Merck, Sanofi-Synthélabo, etc. Ils ont sauté sur l'occasion de se constituer un butin dans le créneau ouvert par les différents plans gouvernementaux consistant à promouvoir les médicaments génériques.
Alors quel culot de faire appel à la responsabilisation du patient en lui faisant " payer la différence s'il veut assumer l'écart de prix pour des convenances personnelles ". Ce serait aux laboratoires de payer pour l'absurdité d'un système uniquement basé sur le profit et la concurrence commerciale qui va avec.
Déremboursement des médicaments dont le " service médical rendu " (smr) est insuffisant.
" L'assurance maladie doit se concentrer sur le remboursement des pathologies les plus graves . " En gros, comprenez que c'en est fini de la couverture maladie d'antan. Si vous n'avez pas les moyens de payer, la Sécu continuera à vous rembourser (au taux des génériques...) pour une maladie cardiaque ou une infection grave, mais pour les rhumes et la grippe, toussez, crachez et attendez que ça passe !
Et le ministre insiste, s'adressant toujours aux industriels : " Nos concitoyens peuvent le comprendre. Ils acceptent bien de payer pour le Synthol, le Mytosyl, le Rhinathiol (...) alors que ces produits étaient à l'origine remboursables. Avec l'aide des médecins et des pharmaciens, et votre engagement, nous arriverons à les en persuader. Vous l'avez compris, cette mesure doit être une formidable incitation à l'automédication. "
Voilà le progrès médical à la sauce Chirac-Mattéi : Malades, ouvrez vos livres ou la télé, choisissez les médicaments dont vous pensez qu'ils pourraient vous convenir, achetez-les, mais n'espérez pas être remboursés ! Et si, toussant depuis plusieurs mois, vous continuez à prendre tout seul votre sirop antitussif, en risquant de passer à côté d'une grave infection pulmonaire que votre médecin aurait diagnostiquée, eh bien, ce sera grâce à la " formidable incitation à l'automédication " !
Enfin, Mattéi est maître en l'art de chatouiller l'industrie pharmaceutique là où ça lui fait du bien : " Certains d'entre vous se sont préparés. Ils ont organisé des déremboursements. (...) L'aspirine vitamine C , produit à SMR insuffisant, a été déremboursée l'année dernière à l'initiative des industriels eux-mêmes, je veux les en féliciter ! Les derniers chiffres témoignent d'ailleurs d'une hausse du chiffre d'affaires de l'aspirine vitamine C. Le déremboursement ne signifie pas la fin du produit ! "
C'est limpide : les grands trusts de l'industrie pharmaceutique ne risquent rien, même avec des produits déremboursés, leurs actionnaires ont encore de beaux jours devant eux.
D'autant que Mattéi leur fait miroiter un pont d'or avec les médicaments " innovants ". " Une enveloppe spéciale de 200 millions d'euros supplémentaires sera affectée à l'achat par les hôpitaux de médicaments innovants ". Deux cents millions d'euros qui iront gonfler le portefeuille des actionnaires. Il promet aussi une accélération des délais administratifs et de contrôle nécessaires avant la mise sur le marché de ces médicaments et la fixation de leurs prix, une augmentation de ces prix, des mesures qui " allongeront la durée de commercialisation sous protection du brevet "...
Bref, de quoi conclure : " Vous savez désormais le choix du gouvernement. (...) Aucune mesure ne sera brutale (...). J'ai décidé de vous aider. "