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Leur société
La sécurité de moins en moins sociale
Ce n'est pas un traitement homéopathique que prépare le gouvernement pour le budget 2003 de la Sécurité sociale, mais un traitement de " sévères restrictions "...
Le " trou ", que les gouvernements successifs font réapparaître périodiquement, serait, en 2002, de 3,3 milliards d'euros pour le régime général et de plus de 6 milliards pour la seule branche maladie, désignée une nouvelle fois comme la première responsable du déficit global. Et pour empêcher que ce trou ne se creuse encore plus en 2003, le gouvernement prépare une nouvelle fois des mesures contre les patients, contre la population accusée de consommer trop de médicaments, de trop se soigner, trop longtemps et trop cher.
S'appuyant sur les conclusions d'experts sollicités par Martine Aubry en 1998, le gouvernement Raffarin annonce que d'ici trois ans, 835 médicaments étiquetés comme représentant " un service médical rendu insuffisant " ne seront plus remboursés. Depuis 1995 et le gouvernement Juppé, le remboursement d'une partie des médicaments n'a cessé de diminuer, passant de 80 % à 65 % pour une partie et à 35 % pour une autre, et à rien du tout pour une autre encore. La liste de ces médicaments non remboursés devrait encore s'allonger. Il s'agit de traitements qui touchent tous les domaines thérapeutiques et toutes les affections. Le diantalvic, l'aspirine vitamine C, certains sirops contre la toux, qualifiés de " médicaments de confort ", par exemple, deviendraient non remboursables même s'ils sont très utiles aux personnes qui y sont habituées et en ont besoin pour être soulagées. Ce sont ces patients qui seront pénalisés, eux qui continueront d'en acheter même s'ils sont plus chers et non remboursés, tandis que les industriels de la pharmacie continueront de leur côté à les produire parce que rentables et à les vendre aux prix qu'ils décideront.
Autre mesure en préparation, celle qui consisterait à rembourser les médicaments de marque sur la base des prix de leurs équivalents génériques. Les malades seront mal remboursés sur ces médicaments qu'ils paieront au prix fort, mais la Sécurité sociale réalisera une économie estimée à quelque 600 millions d'euros. Cela ne comblera pas le déficit mais cela pénalisera les moins riches tandis que la consommation médicale pourra continuer à augmenter pour les plus riches.
En fait, ce déficit de la Sécurité sociale qui réapparaît périodiquement n'est pas dû à l'augmentation des dépenses de santé, ce qui serait somme toute normal compte tenu des progrès de la médecine, des équipements médicaux, du fait qu'on se soigne mieux et plus longtemps. Non, le déficit de la Sécurité sociale est dû en priorité à la diminution des rentrées dans les caisses. Aujourd'hui, le ministre de la Santé, Mattéi, brandit la menace d'un déficit de l'assurance maladie de près de 15 milliards d'euros pour la période 2002-2003, qui exigerait ce qu'il appelle " un plan de redressement " sur le dos des patients. Mais il se garde de rapprocher ce montant de celui, tout aussi officiel, des exonérations de cotisations sociales accordées aux entreprises, et qui ont atteint cette année 19,5 milliards d'euros.
Le déficit serait largement comblé si les patrons avaient payé hier et payaient aujourd'hui ce qu'ils doivent, au lieu de continuer à fabriquer des chômeurs pendant que le gouvernement fait des économies sur la santé de la population. Cela sans parler de la façon dont tous les gouvernements puisent dans le budget de la Sécurité sociale pour financer ce qui n'est pas de son ressort, comme les études médicales par exemple. Et puis à quel prix les trusts pharmaceutiques, les industriels qui fabriquent les matériels médicaux, les équipements petits et gros, facturent-ils leurs produits à la Sécurité sociale ? Combien font-ils tous de profit sur la maladie, c'est-à-dire en dernier ressort sur les salariés qui alimentent le budget de la Sécu ?
Avec la suppression de lits dans les hôpitaux, la dégradation des services d'urgences et la fermeture de certains établissements, le non remboursement de plusieurs centaines de médicaments et la décision que d'autres seront moins bien remboursés signifient que les services publics de santé, indispensables à la population, seront encore réduits et dégradés. Cela signifie que les plus pauvres de la société, qu'un nombre croissant de travailleurs, de chômeurs, de précaires, de Rmistes, de retraités, qui ne peuvent parfois même pas faire face à des dépenses de santé élémentaires, seront encore moins bien soignés, plus à l'abandon. Mais les riches continueront à accéder aux meilleurs des soins et les exonérations de cotisations patronales à atteindre des niveaux records.
Cela, pour Raffarin et consorts, c'est la pleine santé de la Sécu et de cette société, pourtant malade et qu'il faudra bien guérir un jour du capitalisme.