Irak : Si Bush y va, Chirac veut en être13/09/20022002Journal/medias/journalnumero/images/2002/09/une1780.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Irak : Si Bush y va, Chirac veut en être

Pendant que la Maison-Blanche fait planer sur l'Irak des menaces de guerre de plus en plus précises, Chirac vient de déclarer au New York Times que, selon lui, le Conseil de Sécurité devrait fixer une date butoir pour le retour en Irak des inspecteurs de l'ONU censés vérifier que le pays ne dispose pas d'" armes de destruction massive ". Selon lui, ce délai devrait être assez court, pas plus de trois semaines. En cas de refus de Saddam Hussein, l'ONU élaborerait alors une résolution qui serait une déclaration de guerre.

Voir dans cette déclaration de Chirac une quelconque tentative de freiner l'ardeur belliciste affichée depuis des semaines par le président américain serait plus que naïf. Le vrai message que fait ainsi passer le président français en direction de Bush, qui doit prononcer un discours sur ce sujet devant l'assemblée générale des Nations unies, jeudi 12 septembre, est qu'il peut compter sur le soutien des grands États européens.

Si les États-Unis passent à l'acte et attaquent l'Irak, les impérialismes de seconde zone que sont la France et l'Angleterre veulent en être, d'une façon ou d'une autre. Ils ne veulent pas être laissés sur la touche. Comme on l'a vu pendant l'intervention militaire américaine en Afghanistan, l'impérialisme français souhaite être associé, même si c'est sous la forme de soldats français transformés en gestionnaires de l'intendance et en gardes-barrières, ou encore en faisant la police comme ils l'ont fait au Kosovo après l'intervention militaire contre la Yougoslavie. Tout cela dans l'espoir politique de garder un pied au Moyen- Orient, et en espérant quelques retombées économiques pour les entreprises françaises. Aux yeux de Chirac et Raffarin aujourd'hui, comme aux yeux de Chirac et Jospin hier, mieux vaut faire de la figuration que n'avoir aucun rôle dans le film qui se concocte à Washington.

Bush toujours va-t-en-guerre

de son côté, Bush continue à battre le rappel de ses alliés. Il a rencontré le Premier ministre canadien, moins mobilisé que le Britannique Tony Blair, qui invite la communauté internationale à se mobiliser contre le " hors-la-loi " Saddam Hussein. Désormais le vice-président américain Dick Cheney est chargé d'expliquer que l'Irak constitue une menace contre les États-Unis. Le dictateur irakien est accusé de chercher " agressivement " à se doter d'un arsenal atomique qui constituerait une menace contre les États-Unis. Mais bien des pays en sont là aujourd'hui, sans pour autant que les États-Unis parlent de déclencher une guerre contre eux. Et puis Dick Cheney oublie de dire que, s'il est aujourd'hui possible d'agiter la menace d'un épouvantail nucléaire irakien, c'est que les États-Unis et la France, entre autres, ont été au premier rang des fournisseurs de Saddam Hussein quand celui-ci était un de leurs alliés dans la région, avant la guerre du Golfe de 1991.

Et puis, comme il est évidemment douteux que l'Irak ait la bombe atomique, du fait de l'embargo sur les combustibles nucléaires, les autorités américaines ajoutent qu'il est possible qu'il dispose d'armes chimiques ou biologiques. Mais là aussi, combien d'autres pays en sont au même point ?

En fait, il s'agit d'une préparation psychologique que la Maison-Blanche entretient depuis des semaines, pour des raisons essentiellement de politique intérieure. Avec le 11 septembre, Bush avait bénéficié d'un état de grâce, inespéré après une élection pour le moins contestable. C'est cet état de grâce qu'il essaie d'entretenir avec la campagne pour une guerre contre l'Irak. Elle lui est d'autant plus nécessaire que, depuis le 11 septembre, l'administration Bush a connu plusieurs revers. D'abord l'offensive contre l'Afghanistan ne s'est pas soldée par une franche victoire. Ben Laden en est sorti indemne et continue à narguer les autorités américaines. L'atmosphère de règlement de comptes qui se développe autour du nouveau gouvernement afghan montre aussi que la manière forte peut engendrer une situation chaotique et incontrôlable en réveillant d'anciennes guerres de clans. Enfin, à ces revers sur le plan international, sont venues s'ajouter des difficultés intérieures, dont les faillites spectaculaires d'Enron et de Worldcom sont la partie la plus visible, avec le risque que les Bush ne soient entraînés dans un tourbillon d'affaires du fait qu'Enron était l'un de leurs principaux bailleurs de fonds électoraux. Une guerre contre l'Irak aurait donc l'avantage de permettre de resserrer les liens entre le président et la population.

Des bombardements moins risqués qu'un engagement au sol

En fait, toute une gamme d'interventions peut être envisagée. La plus commode serait d'intensifier les bombardements sur l'Irak, qui en fait n'ont pas cessé depuis la guerre du Golfe. La " découverte " de lieux de stockage d'armes pourrait, par exemple, fournir le prétexte à des bombardements prolongés, comme le Viêt-nam en a connu pendant des années, il y a plus de trente ans.

Une telle guerre aérienne présenterait l'avantage de ne pas risquer de faire des morts américains. En revanche, les différentes formules d'interventions au sol évoquées dans la presse, engageant de 75 000 à 200 000 soldats sur le terrain, seraient d'emblée plus risquées. Car dès que des soldats américains commenceraient à y laisser leur peau, l'opinion publique américaine, plutôt opposée en général à des opérations risquant de faire des morts parmi les soldats US, pourrait basculer très vite et se retourner contre un président va-t-en-guerre.

Reste que, même en prenant des risques calculés, même en se tenant à bonne distance pour éviter que le conflit ne cause des dégâts humains trop importants dans le camp américain, une intervention militaire ne peut qu'accroître les problèmes politiques dans la région. Une intervention en Irak, venant après celle contre l'Afghanistan, ne pourrait que renforcer les sentiments antiaméricains qui existent aujourd'hui dans le Tiers Monde et en particulier dans le monde arabe.

Un an après le 11 septembre, le seul fait qu'ils l'envisagent montre que les dirigeants américains n'ont rien compris et rien appris. Et c'est justement l'attitude dominatrice de cette grande puissance impérialiste qui nourrit nombre de conflits dans le monde entier, et qui en retour alimente des sentiments de haine, qui eux-mêmes peuvent fournir des combattants aux organisations terroristes.

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