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- Lutte ouvrière n°1779
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Leur société
Patrons et gouvernement au coude à coude contre les salariés
François Fillon, ministre des Affaires sociales, du Travail et de la Solidarité, a consulté l'ensemble des partenaires sociaux : les syndicats, à tour de rôle, puis les organisations patronales, en finissant par le Medef dont le président, le baron Seillière, s'est dit d'ailleurs mécontent, trouvant le gouvernement trop hésitant à son goût. Il s'agit " d'assouplir " la loi sur les 35 heures. C'est l'expression employée. En fait patrons et gouvernement souhaitent faire sauter le seul petit verrou qui pourrait gêner, un peu, les employeurs : la limitation du nombre d'heures supplémentaires à 130 heures par an. Le patronat réclame de passer à 180, voire 200 heures supplémentaires par an, en brodant sur le thème de la " liberté " de travailler plus.
L'hypocrisie est double. D'abord travailler plus n'est pas une liberté. Vu les salaires versés, c'est souvent une nécessité pour pouvoir joindre les deux bouts. Et ensuite parce que, en fait de liberté, les patrons veulent pouvoir imposer ces heures supplémentaires, quand ils en ont besoin pour leur production, et non quand les salariés en ont besoin pour finir le mois.
Par principe, les patrons veulent réaffirmer que les salariés doivent être à leur disposition, même si actuellement ils n'ont pas vraiment besoin de ces heures supplémentaires. En effet, ils n'en ont utilisé que 56 par an en moyenne en 2001. Par ailleurs plusieurs secteurs, dont les PME, bénéficient déjà de dérogations leur permettant de dépasser les 130 heures. Mais cela ne les empêche pas de réclamer le droit de fixer librement les horaires de travail.
Seillière aimerait aussi que " l'assouplissement " soit décidé par une loi, alors que Fillon préférerait amener cela plus en douceur : une mesure transitoire pour un an, en attendant des négociations branche par branche. Patrons et gouvernement se partagent les rôles : le Medef tape du poing sur la table, et le gouvernement fait semblant de se faire tirer l'oreille.
Par ailleurs, le patronat souhaite que ces heures coûtent le moins cher possible. Payer 25 %, voire 50 % de plus pour les heures supplémentaires lui paraît démesuré. La loi Aubry avait déjà proposé plusieurs " solutions " à ce problème, comme ne payer que 10 % de plus pour les quatre premières heures supplémentaires, ou verser le supplément à un fonds d'aide à l'emploi (c'est-à-dire d'aide aux patrons). Aujourd'hui, on parle de supprimer les charges sur les heures supplémentaires...
Remarquons que ni les uns ni les autres ne parlent de revenir complètement sur la loi Aubry. Et pour cause : cette loi a permis au patronat de généraliser la flexibilité des horaires, leur annualisation, rendant le salarié encore plus dépendant des aléas de la production, et le patronat en est très satisfait. La loi était accompagnée d'une baisse considérable des charges patronales - c'est-à-dire de la contribution des employeurs à la Sécurité sociale, aux caisses de chômage et de retraite, dont on nous dit par ailleurs qu'elles sont en déficit... Cet aspect leur paraît tellement favorable qu'ils réclament qu'il soit élargi à tous les salaires, indépendamment du temps de travail hebdomadaire.
Par ailleurs, gouvernement et syndicats débattent aussi de l'augmentation du Smic. La loi Aubry a créé de fait plusieurs Smic, selon qu'on le calcule sur la base hebdomadaire ou mensuelle, et suivant la date de passage aux 35 heures. Au total, il y a actuellement six Smic différents. Raffarin souhaite, semble-t-il, utiliser cette situation pour se donner des airs de soutenir les bas salaires. Il a déclaré qu'il allait aligner les différents Smic vers le haut, sur trois ans, ce qui représente 11 % d'augmentation dans le cas le plus favorable.
Mais bien sûr, il n'est pas question que les employeurs payent cette augmentation. Le Premier ministre accompagnerait donc le coup de pouce d'une nouvelle mesure de baisse des charges sur l'ensemble des bas salaires, jusqu'à 1,5 (ou 1,7) Smic.
Eh bien, là non plus, le Medef n'est toujours pas d'accord. La baisse des charges, oui, mais pour la hausse du Smic, c'est non ! Seillière propose même l'inverse : il demande que le Smic soit annualisé, c'est-à-dire que le calcul intègre d'éventuelles primes de congé ou de fin d'année. Du coup, plus besoin de l'augmenter !
L'argumentation du patronat est toujours la même : pour favoriser l'emploi, il faudrait baisser le coût du travail, et donc baisser les charges et bloquer les salaires. Un argument archi-éculé qui ne tient pas une seconde lorsque l'on regarde les chiffres du chômage, et alors que les charges patronales ont diminué à de nombreuses reprises et dans de nombreux cas.
Par contre les profits se portent très bien, merci pour eux. Et c'est bien, en fait, le seul véritable argument qui compte pour Seillière et pour le gouvernement à son service.