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Leur société
Projet de réforme électorale : Nouveaux tripatouillages en perspective
Le gouvernement est en train de préparer une réforme des modes de scrutin pour les élections législatives, régionales et européennes. Le tout, si on l'en croit, bien évidemment dans un souci de "démocratie".
En 1998, le gouvernement Jospin avait déjà préparé son propre projet de réforme. Et un certain Jean-Pierre Raffarin, alors président de la Région Poitou-Charentes, l'avait qualifié de "tortueuses manoeuvres". C'était certes tout à fait exact... mais cela ne l'est pas moins à présent que c'est Sarkozy qui présente, à peu de chose de près, le même projet !
Bien loin d'un souci démocratique, les projets de Raffarin - comme ceux de Jospin - visent uniquement à tripatouiller la loi de façon à verrouiller encore un peu plus les modes de scrutin et faire en sorte que les "grands partis" aient les mains plus libres, et tout spécialement celui de leur camp bien entendu.
Pour ce qui est des élections régionales par exemple, le mode de scrutin actuel est la semi-proportionnelle, au niveau du département. Cela signifie qu'une liste doit dépasser 5 % des suffrages sur un département pour avoir le droit de siéger au Conseil régional (et encore s'agit-il là d'une condition nécessaire mais pas suffisante dans toutes les régions puisqu'il faut encore qu'il y ait plus de vingt sièges à pourvoir). Ce mode de scrutin avait permis, en 1998, l'élection de quelques trouble-fête dans les conseils régionaux. Le projet Raffarin, lui, laisserait la barre à 5 %, mais à l'échelle de la région tout entière cette fois, ce qui rendrait, évidemment, les choses beaucoup plus difficiles pour les petits partis.
Pour ce qui est des législatives, Raffarin et Sarkozy souhaiteraient supprimer la possibilité des "triangulaires" , c'est-à-dire interdire qu'un troisième candidat puisse se maintenir au second tour, même en ayant obtenu les 12,5 % des inscrits requis jusqu'alors. Ce système des triangulaires avait, en 1997, coûté la victoire à la droite du fait du maintien systématique au second tour des candidats du Front National.
Quant aux élections européennes, là encore le système envisagé serait défavorable aux "petites" listes, puisqu'il s'agirait d'élire les députés européens non plus sur la base d'une liste nationale mais sur celle de listes régionales, et ce sous prétexte de permettre une plus grande "proximité" entre les électeurs et les élus. Comme si la proximité avec les classes populaires avait jamais été le souci des politiciens !
Au final, il n'y aurait donc qu'un très petit nombre d'élus envoyés par chaque région, ce qui permettrait au PS et à l'UMP de se partager à peu près tout le gâteau.
C'est ce qui rend d'ailleurs la mise en oeuvre de ce projet encore hasardeuse. On peut penser en effet que des partis comme l'UDF ou les Verts ne vont pas apprécier de se voir ainsi privés de toute possibilité d'aller eux aussi à la soupe. Mais il faudra bien que le gouvernement tranche assez rapidement, la réforme devant être adoptée au moins un an avant les prochaines échéances électorales, c'est-à-dire d'ici au printemps prochain.
Mais il n'y aura sur ce terrain que des luttes purement politiciennes, où le souci de démocratie ne servira que de prétexte, tout comme celui, invoqué par le ministère de l'Intérieur, d'assurer une "cohérence majoritaire". En réalité, le seul véritable souci de ces politiciens, c'est de se mettre le plus possible à l'abri des revirements de l'opinion, de conserver leurs places et leurs prébendes et de rester, dans leurs assemblées et leurs conseils, entre gens du même monde : entre gens qui sont là pour servir les intérêts bien compris du patronat.