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- Lutte ouvrière n°1777
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Editorial
Pour le gouvernement, les vieux vivent trop longtemps
Tout indique que le gouvernement Chirac-Raffarin se prépare à s'en prendre à l'allocation personnalisée d'autonomie (APA), destinée à aider ceux que l'âge a réduits à la dépendance pour les gestes élémentaires de la vie courante. La loi instaurant cette allocation a été promulguée le 1er janvier de cette année par le gouvernement Jospin. Elle représente un certain progrès bien qu'elle n'ait fait pour l'essentiel qu'unifier et généraliser plusieurs systèmes qui existaient auparavant. Mais, enfin, elle fait un droit de cette allocation dont le montant était départemental et qui est devenu uniformisé à l'échelle nationale.
Mais voilà que ceux qui nous gouvernent constatent que le nombre de demandes est plusieurs fois plus important que ce qui a été prévu et que les départements chargés d'en assurer le versement n'y arrivent pas, ni financièrement ni en personnel chargé d'étudier les dossiers.
En prenant la décision d'instaurer l'APA, le gouvernement Jospin avait fait un geste électoral mais sans en prévoir jusqu'au bout ni l'application ni le financement. Il aurait fallu embaucher le personnel nécessaire pour traiter les dossiers. Il aurait fallu débloquer des fonds suffisants quitte à faire des coupes claires dans les sommes colossales que l'Etat comme les départements versent au patronat.
Le gouvernement Jospin ne l'a pas fait, offrant ainsi sur un plateau au gouvernement Chirac-Raffarin qui lui a succédé les prétextes pour revenir en arrière. De surcroît, le gouvernement Jospin n'a pas établi un plafond de revenu pour l'attribution de cette allocation. Ce qui fait qu'une famille de riches qui n'a aucun problème d'argent y a droit comme une famille d'ouvriers au salaire modeste.
Les maisons de retraite qui sont habilitées à toucher l'allocation de leurs pensionnaires en ont profité pour augmenter leurs tarifs.
Le gouvernement Chirac-Raffarin jure ses grands dieux qu'il n'est pas question de supprimer complètement l'allocation. Il laisse seulement entendre qu'il pourrait prendre une mesure de plafonnement ou encore se rembourser sur l'héritage après le décès de la personne dépendante. Récupérer sur l'héritage, pourquoi pas, pourrait-on dire. Mais, là encore, à qui va-t-on s'en prendre ? A l'héritage d'une famille aisée qui n'aurait même pas dû toucher cette allocation ? Ou au petit pavillon, fruit de toute une vie de travail ?
Ce qui est surtout révoltant, c'est que cette société qui crée pourtant des richesses colossales ne soit pas capable d'assurer à ses anciens une vieillesse décente. Les progrès scientifiques et techniques ont prolongé la vie, mais l'organisation sociale n'a pas permis d'en profiter pleinement.
Il faudrait que les anciens, même les plus modestes, qui souhaitent rester là où ils ont vécu, puissent le faire sans souci financier. Cela suppose la prise en charge des aides mais aussi l'embauche et la formation d'un personnel en nombre suffisant, spécialisé dans l'aide à domicile et correctement payé.
Il faudrait aussi que les personnes dépendantes qui n'ont pas cette possibilité-là puissent trouver des maisons de retraite proches de leurs familles et qui ne soient pas des mouroirs.
Cela coûterait cher ? Mais ce week-end, à Deauville, la vente des yearlings, ces poulains de chevaux de course, dont la possession fait partie des signes extérieurs de richesse, a battu tous les records. Une seule pouliche a été vendue deux millions d'euros, et son propriétaire a eu le cynisme inconscient de se réjouir, devant les caméras, d'avoir obtenu la pouliche convoitée pour un prix modique ! Mais pour combien de départements le prix de cette seule vente à Deauville permettrait de compenser le déficit pour le versement de l'APA ?
D'un côté, des millions d'euros gaspillés en dépenses de luxe ; de l'autre, des discussions à n'en plus finir pour assurer cette chose élémentaire que devrait être la solidarité envers les anciens, c'est-à-dire envers nous tous, les retraités de demain ou d'après-demain.