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Politiciens
Corse : Raffarin imite Jospin
Samedi 27 juillet, la Corse a été le théâtre d'un coup médiatique du Premier ministre Raffarin, orchestré par le ministre de l'Intérieur Sarkozy. Alors que Sarkozy était en visite dans l'île pour trois jours, le Premier ministre a effectué une visite surprise qui a fait l'objet de nombreuses discussions dans les milieux autorisés : Raffarin venait-il voler la vedette à Sarkozy, ou au contraire était-il l'invité de ce dernier pour appuyer la présentation de son projet de statut pour la Corse ? Quoi qu'il en soit, tout ce cinéma avait pour but de médiatiser le discours gouvernemental qui serait la solution enfin trouvée au « problème corse ».
Les projets du gouvernement de droite se situent forcément par rapport à ce qu'avait fait le gouvernement Jospin précédemment. Le « processus de Matignon » avait théoriquement commencé le 13 décembre 1999 lorsque Jospin avait rencontré les élus corses, y compris les nationalistes, et leur avait demandé de « faire des propositions ». Il en est sorti une loi votée en janvier 2002 qui envisageait la possibilité pour l'Assemblée corse « d'adapter » les lois. Cependant, le Conseil constitutionnel avait suspendu cette possibilité... jusqu'en 2004. Ainsi le problème était renvoyé entre les mains du nouveau gouvernement.
Les démagogues surfant sur les idées de « la France une et indivisible » ferraillaient contre ce « processus », Chevènement en tête, qui avait quitté le gouvernement Jospin sur ce thème. Chirac, au cours de la campagne des présidentielles, s'était aussi clairement exprimé contre.
Finalement, le revirement tant annoncé n'aura pas lieu ! La Corse devrait avoir son droit à faire sa propre loi dans certains domaines. Mais ce qui est nouveau, c'est que ce droit serait reconnu à toutes les régions. En fait, cela s'inscrirait dans une accentuation de la décentralisation déjà engagée depuis des années, qui consiste à transférer des compétences de l'État du niveau national au niveau régional.
Il est donc question d'inscrire dans la Constitution le droit pour les régions à « l'expérimentation locale », avant généralisation si l'expérimentation est « concluante ». On pourrait se féliciter d'une orientation qui se traduirait par plus de démocratie de proximité, par une attitude qui permettrait à la population d'intervenir dans des décisions la concernant directement. Mais en fait, ce n'est pas de cela qu'il s'agit. Ce transfert de décisions, s'il se met en place, n'aboutira pas à plus de pouvoir pour la population locale, mais à un transfert des responsabilités et des charges qui aujourd'hui incombent à l'État central.
C'est ce qui avait été déjà fait par exemple pour les TER, les trains régionaux, passés des mains de la SNCF sous la coupe de six régions dans un premier temps, « expérience » généralisée à toutes les régions à partir de 2002. Il a ainsi été évoqué d'autres domaines possibles, comme l'entretien des routes nationales ou l'enseignement supérieur.
Et si l'on poussait plus loin, on verrait des régions richement dotées, et d'autres beaucoup moins ; ou encore les notables influents et le patronat local dicter les orientations scolaires en fonction de leurs besoins de main-d'oeuvre.
Cette décentralisation-là serait tout sauf démocratique, au plein sens du terme.
Selon Sarkozy, la Corse serait seulement « très en avance », « précurseur » ou « chef de file » de la future loi de décentralisation. Outre la pirouette politique consistant à continuer la politique entamée par Jospin en Corse tout en disant qu'on fait autre chose, approfondir la « décentralisation » est un bon moyen, en fait, pour l'État de se désengager en douceur de certaines obligations financières, notamment concernant les services publics, avec comme conséquence une inégalité de développement entre les régions, qui n'ont pas toutes les mêmes ressources. Alors, il est possible que le gouvernement fournisse les crédits promis de longue date pour le développement de la Corse, et cela reste à voir. Mais globalement, c'est vers de nouvelles économies sur les finances publiques que l'accentuation de la décentralisation mènera.