Réforme de la pêche : Protéger la nature ou les profits des gros ?12/07/20022002Journal/medias/journalnumero/images/2002/07/une1772.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Réforme de la pêche : Protéger la nature ou les profits des gros ?

Cet été, l'inquiétude principale des 118 marins du Havre (comme de très nombreux marins d'autres ports de pêche) concerne le nouveau Plan d'orientation des pêches (POP), décidé par la Commission de Bruxelles.

Les POP sont censés être destinés à maîtriser les stocks de poissons adultes s'étant déjà reproduits une fois.

Orientation à la casse des bateaux...

Il s'agit du cinquième POP depuis 1986. Le premier avait légiféré sur le maillage des filets. En 1990, le deuxième imposait de réduire le nombre de bateaux en rendant la casse obligatoire en échange d'aides de Bruxelles : 27 navires avaient été " cassés " au Havre contre subventions. Les troisième et quatrième POP étaient dans la lignée du précédent et 54 % des bâtiments de moins de 16 mètres avaient été réformés. Pour toucher une subvention " à la casse ", un chalutier doit mesurer plus de 12 mètres tandis que les plus petits ne touchent rien.

Le cinquième POP, discuté en ce moment, prévoit la réduction de 10 % des flottes (40 % pour certains types de pêche), la suppression des aides publiques à la construction et à la modernisation, l'augmentation des primes à la destruction, l'aide à la reconversion des emplois supprimés, la réduction de 30 à 60 % des quotas de capture autorisés selon les espèces.

.... Et des emplois

En Haute-Normandie, cette politique communautaire pour la pêche risque de supprimer des milliers d'emplois alors que la Seine-Maritime fait partie des départements les plus touchés par le chômage (11,7 % contre 9 % en moyenne en France).

Poissons et crustacés font vivre dans cette région plus de 35 000 personnes, car un emploi en mer génère entre 5 et 6 emplois à terre. Les produits commercialisés à Dieppe et au Tréport dépassent les 4 000 tonnes annuelles. Ils atteignent 9 000 tonnes à Fécamp et 3 500 tonnes au Havre.

Cela s'ajoute au fait que Le Havre a été et est encore particulièrement touché par les suppressions d'emplois. Après la fermeture des chantiers navals par une filiale du groupe Bolloré, 2 500 emplois ont disparu.

Menaces sur l'écosystème

Au Havre existent ce qu'on appelle les nourriceries de crevettes, de soles, de bars, qui sont très fragiles. Ces espèces ont en effet choisi la baie de Seine pour se reproduire, car les larves et les oeufs y sont protégés des gros prédateurs et bénéficient d'une température douce ainsi que de nourriture. Or le projet de construction de " Port 2000 " menace de faire disparaître ces nourriceries. Ce projet a été entrepris, a-t-on dit, pour faire du Havre le premier port français pour les conteneurs, concurrençant Rotterdam et Anvers ! D'importants travaux de dragage doivent faire passer la profondeur d'eau de 1,5 mètre actuellement à six mètres.

La Commission de Bruxelles a complètement négligé cet aspect de la situation. Certes, il faut peut-être développer l'accueil portuaire. Mais en tenant compte de tous les facteurs. Car il ne suffit pas de limiter le nombre de navires et donc de pêcheurs pour que les stocks de poissons se reconstituent. Il faut aussi que l'écosystème ne soit pas perturbé par les bétonneurs et les industriels comme Millenium Chemicals par exemple, qui a rejeté dans l'estuaire 600 tonnes d'acide sulfurique par jour pendant des dizaines d'années !

Le capitalisme,ça tue et ça pollue

Les raisons de la baisse des stocks de poissons adultes sont liées à bien d'autres problèmes qu'aux activités des pêcheurs : pollution, destruction des fonds marins pour extraire des granulats par aspiration, pêche industrielle pour fabriquer des farines de poissons pour l'élevage d'autres poissons (saumon) ou de bovins, etc.

La réglementation contraint les seuls prêcheurs à comptabiliser le nombre de poissons pêchés et donc détruits. Elle n'oblige pas les industriels à comptabiliser les tonnes de poissons morts par la pollution, ou les tonnes de crevettes aspirées avec les granulats pour creuser Port 2000 par exemple, et encore moins à faire cesser leur nuisance.

Gérer les stocks de ressources naturelles de poissons, les petits pêcheurs ne peuvent qu'être d'accord. Mais servir de boucs émissaires et perdre leur emploi pour préserver les vrais responsables des dégâts, industriels, bétonneurs ou capitalistes de la pêche industrielle, ça non !

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