En 1996, à l'issue d'un sommet international consacré à la lutte contre la faim dans le monde, l'ensemble des chefs d'Etat présents ou représentés s'étaient engagés à livrer une guerre sans merci contre ce fléau digne d'un autre âge. Ils s'étaient même engagés à " réduire de moitié le nombre de personnes sous-alimentées d'ici 2015 au plus tard ". Pour atteindre cet objectif, si tant est que dans ce domaine on puisse établir des statistiques sérieuses, il aurait fallu que le nombre d'affamés diminue de 22 millions par an. Or il a décru d'à peine 6 millions.

Six ans plus tard, la faim et la malnutrition frappent toujours 800 millions d'hommes rien que dans les pays dits en voie de développement, provoquant la mort de 22 000 d'entre eux chaque jour. Au bas mot deux milliards d'individus souffrent de carences alimentaires. Ces chiffres ont été révélés à l'occasion du dernier sommet mondial pour l'alimentation (c'est quand même plus joliment dit comme cela que de parler de famine), qui vient de se terminer à Rome.

Mais la situation risque d'empirer encore. Plusieurs mauvaises récoltes provoquées par plusieurs années de sécheresse provoquent une grave crise alimentaire en Afrique australe. Dans certaines régions comme la Zambie, selon un rapport de l'ONU encore, " les gens recourent à des mesures désespérées, y compris manger des plantes ou écorces sauvages potentiellement vénéneuses " pour tenter d'apaiser leur faim. Rien ne devrait s'améliorer avant la récolte de 2003 et cela pourrait même empirer, prévoient les experts les plus optimistes !

Pourtant il serait déjà possible de nourrir l'ensemble de la population de la planète. Les réfrigérateurs des pays riches regorgent de viande, et leurs silos de céréales, et ce ne sont pas les produits laitiers qui font défaut. Combien de tonnes de fruits et légumes sont détruites chaque année par des paysans qui ne trouvent pas à les vendre ?

Dans le domaine de l'agriculture, comme dans celui de l'industrie, l'économie capitaliste est capable de produire massivement tous les biens de consommation nécessaires à la population, et cela au-delà même des besoins, mais elle est bien incapable de permettre à tous d'en bénéficier. La tenue rituelle de conférences internationales hypocrites et impuissantes ne changera rien à l'affaire. La gestion de la production mondiale et la répartition des richesses sont une affaire bien trop sérieuse pour que l'humanité les laisse encore longtemps aux mains de classes possédantes bornées et égoïstes.