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Leur société
La lutte contre l'illettrisme : Ferry en parle, quant à le faire...
Comme ses collègues du gouvernement Raffarin, Luc Ferry le nouveau ministre de l'Éducation nationale est monté sur le pont pour affirmer qu'il va agir ! Lors d'une conférence de presse, il vient - après tant d'autres - d'annoncer sa volonté de " lutter contre l'illettrisme ", nécessaire pour faire disparaître ce qu'il a appelé avec un brin de mimétisme flagorneur la fracture scolaire.
Cela ne lui coûte pas grand- chose. D'autant que le gouvernement dans lequel il siège est, par la force des choses, un gouvernement de transition, dans l'attente des résultats des élections à l'Assemblée nationale.
Chaque année le système scolaire du pays ne réussit effectivement pas à alphabétiser correctement des dizaines de milliers d'enfants durant les deux premières années de l'école primaire, pourtant destinées prioritairement à cela. Ces deux années sont décisives. Et il n'est donc pas surprenant qu'on ne réussisse pas davantage dans les classes suivantes. Arrivant en 6e avec de grosses difficultés de lecture et d'expression écrite, la plupart de ces jeunes se marginalisent au collège au fur et à mesure qu'ils avancent en âge. Sortis du système scolaire à la fin de la 3e, ou même avant, sans savoir véritablement ni lire ni écrire, c'est parmi ces élèves que se recrutent nombre de ces adolescents marginalisés victimes de l'échec scolaire.
Pour contrer l'illettrisme, Luc Ferry insiste sur le rôle du cours préparatoire. En effet, l'effort maximal devrait porter à ce moment crucial de l'apprentissage de la lecture et de l'écriture. Mais le nouveau ministre reste muet sur les moyens qu'il compte attribuer aux enseignants de ces classes. Il n'aborde pas non plus la façon dont il compte remédier en aval aux conditions désastreuses de l'école maternelle, où les problèmes pourraient être mieux repérés, et où un travail par petits groupes pourrait efficacement aider les enfants en difficulté à se préparer à l'apprentissage de la lecture et de l'écriture.
Car il n'est pas besoin d'être un spécialiste de la philosophie comme Luc Ferry pour comprendre que l'illettrisme d'une fraction de la population a des conséquences sociales dramatiques mais aussi des causes sociales. S'attaquer à ce problème nécessite de le prendre à bras-le-corps et donc de rassembler les moyens humains et matériels nécessaires. Les deux sont liés. Par une politique volontariste, les gouvernements surent autrefois alphabétiser en deux décennies pratiquement l'ensemble de la population française, certes parce que le développement de l'économie le rendait nécessaire. L'urgence n'est pas moindre aujourd'hui. Et elle nécessiterait qu'on y mette tous les moyens !
Mais justement, il n'est pas question pour Luc Ferry de dégager ces moyens. D'autant que le gouvernement dont il est membre veut réduire les impôts et cela ne peut se faire qu'aux dépens des services publics. Son combat contre l'illettrisme - vieux serpent de mer de ses prédécesseurs de droite comme de gauche - n'est qu'un combat de mots. La réduction de la " fracture scolaire " qu'il évoque, n'a pas plus de chance de voir le jour que la réduction de la " fracture sociale " de son patron Chirac.