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Elections
Les électeurs en démocratie surveillée
Commentateurs et dirigeants des partis de gouvernement s'étonnent, voire se plaignent, de la multiplicité des candidatures pour les prochaines élections législatives. Tous ces candidats seraient inutiles selon eux puisque n'ayant aucune chance de se faire élire, pire même, nuisibles, parce qu'ils contribueraient à la dispersion des voix, empêcheraient la démocratie, telle qu'ils la conçoivent, de fonctionner. Mais ces élections, tout comme la présidentielle qui vient d'avoir lieu, sont tout sauf démocratiques au vrai sens du terme.
Car pour être élu, il faut soit avoir obtenu la majorité absolue au premier tour, soit se présenter au second tour, à condition d'avoir obtenu au moins 12,5 % des inscrits. L'élu sera alors celui qui, dans ce second tour, aura obtenu le plus de voix parmi les candidats encore en lice. C'est dire que, dans la majorité des cas, chaque député ne représentera qu'une minorité de ceux qui auront voté dans sa circonscription. Du même coup, la majorité de l'Assemblée sera loin, très loin, de représenter la majorité des électeurs, et encore moins de leurs opinions et de leurs intérêts.
A cela s'ajoute le fait qu'une fois élus, les députés ne sont soumis à aucun contrôle de leurs électeurs, qui devront attendre les prochaines élections du même type pour sanctionner leurs manquements. Ils peuvent donc sans risque tourner le dos à leurs promesses électorales, pourtant souvent suffisamment floues pour qu'ils puissent prétendre qu'ils ne s'étaient engagés à rien. Ils ne s'en privent d'ailleurs pas.
On l'a vu avec le PS. Pas seulement avec Jospin et son équipe, les Fabius, Aubry, Strauss-Kahn, Guigou et compagnie. C'était aussi le cas dans la période précédente avec Mitterrand, grand maître en trucage et mystification politique, ce que tout le monde reconnaît volontiers... mais après coup. Et puis la droite sait, elle aussi, tromper son monde. A cette différence près qu'elle n'a pas le même électorat que la gauche.
Cette démocratie-là, ce n'est pas la présence d'un nombre excessif de candidats qui la dévoie, mais tous les filtres mis en place pour empêcher que les électeurs soient représentés par des femmes et des hommes qui les défendent réellement et qui n'auraient pas peur de dénoncer ce qui se fait à l'Assemblée ou dans ses coulisses : les combines et les combinaisons, les mensonges mais aussi les pressions qu'exercent les puissances d'argent sur le monde politique, bien plus influentes sur le choix des parlementaires et des gouvernements que ne le sont les électeurs.
Certes, le système électoral mis en place par de Gaulle, et dénoncé par l'opposition de gauche du temps où elle était minoritaire à l'Assemblée, mais qui a su fort bien s'en servir une fois devenue majoritaire, empêche que des représentants du courant communiste révolutionnaire puissent être élus. Il empêche que des représentants des travailleuses, des travailleurs, des chômeurs, des petits retraités, puissent faire entendre la révolte populaire dans l'enceinte du Parlement. Car la démocratie dont ils parlent est une démocratie tronquée, étroitement surveillée. Pour qu'une telle représentation existe, il faudrait au moins que les représentants du peuple puissent être élus au scrutin proportionnel, à l'échelle du pays. A cela devrait s'ajouter le pouvoir pour les électeurs de révoquer ceux qu'ils ont élus et qui ne tiennent pas parole.
Cependant ces élections permettront au moins que le mécontentement populaire puisse se manifester. Et si Lutte Ouvrière présente des candidates et des candidats dans toutes les circonscriptions du pays, c'est pour que ce mécontentement contre la politique appliquée par la gauche comme par la droite puisse s'exprimer autrement qu'en votant pour des représentants d'un parti ouvertement antiouvrier, dirigé par le milliardaire Le Pen, développant des thèmes xénophobes, voire racistes.