Francis Mer : Une carrière sous les auspices de la droite et de la gauche17/05/20022002Journal/medias/journalnumero/images/2002/05/une1764.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Francis Mer : Une carrière sous les auspices de la droite et de la gauche

En choisissant Francis Mer, pour le ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, Chirac a fait un signe fort à l'adresse de ses amis du Medef. Ce commis de l'État, passant du secteur privé aux entreprises nationalisées, puis à nouveau privatisées, fut président de la Fédération française de l'acier et longtemps vice-président du CNPF. Il a à son actif le licenciement en quinze ans de cent mille salariés sur les cent- soixante mille que comptait cette branche d'industrie.

En fait, ce n'est pas la prenière fois que les patrons des grosses sociétés voient l'un des leurs à la tête d'un ministère. En 1988, Roger Fauroux fut nommé ministre de l'Industrie par le socialiste Rocard. Il avait été président de Saint-Gobain et, à ce titre, fut d'ailleurs un des patrons et mentors de Francis Mer...

Quant à Francis Mer lui-même, sa carrière de grand patron de la sidérurgie a été parrainée - la presse l'a souligné - par des hommes politiques de droite, notamment Balladur. Mais la gauche ne fut pas non plus ingrate avec lui, bien au contraire.

Entré en 1970 chez Saint-Gobain, juste après la fusion avec Pont-à-Mousson, Mer y côtoyait entre autres Alain Minc ou encore Alain Gomez, futur PDG de Thomson. En septembre 1986, Balladur, ayant décidé de la fusion d'Usinor et Sacilor, confia la présidence à Francis Mer. Cette nouvelle restructuration se traduisit par une avalanche de suppressions d'emplois. En 1991 - sous le second septennat de Mitterrand et le gouvernement de Rocard - le conseil d'administration d'Usinor-Sacilor, toujours contrôlé par l'État à 100 %, renouvela le mandat de Francis Mer pour trois ans. En dix ans, les effectifs de la sidérurgie avaient été réduits de moitié, se traduisant par l'appauvrissement de villes entières, la fermeture des usines étant suivie de celle des commerces vivant de la clientèle ouvrière. En mars 1993, alors qu'il avait déjà prévu 4000 nouvelles suppressions d'emplois, Francis Mer fut à nouveau reconduit dans ses fonctions par le gouvernement socialiste de Bérégovoy. C'était lors du dernier conseil des ministres de celui-ci, juste avant que Bérégovoy passe la main à... Balladur. Jouissant de la confiance de ce nouveau Premier ministre, Mer ferma les aciéries de la Société métallurgique de Normandie (SMN). En juillet 1995, c'est-à-dire en moins de dix ans, Francis Mer avait fait passer le nombre de salariés d'Usinor-Sacilor de cent vingt mille à quarante mille alors que la production était restée égale ; c'est dire les gains de productivité réalisés sur le dos des travailleurs. Ajoutons que sur vingt ans, la sidérurgie a bénéficié de cent milliards de francs d'aides de l'État. Usinor-Sacilor devenant bénéficiaire, Balladur demanda à Mer de mettre en application la privatisation de la sidérurgie. Quelques mois plus tôt, Mer avait d'ailleurs crûment déclaré : « L'État a sauvé la sidérurgie française. Désormais, il ne peut plus rien pour nous ». Voilà un PDG qui, comme les gens de son monde, a bien servi sous la droite mais qui a mené son sale boulot tout aussi bien sous la gauche et qui a organisé ces suppressions d'emplois par dizaines de milliers.

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