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Allemagne : Mouvement pour les salaires dans la métallurgie
Depuis le lundi 13 mai, le syndicat des métallurgistes IG Metall a étendu à Berlin et au Brandebourg (la région qui entoure la capitale allemande) la grève lancée le 6 mai dans le Bade-Wurtemberg afin d'obtenir une hausse moyenne des salaires de 6,5 % pour la période à venir, ainsi que l'obtention d'une grille unique de salaires pour les ouvriers et les employés.
Ce mouvement fait hurler tout ce que l'Allemagne compte de grands et petits bourgeois, de politiciens corrompus et de journalistes aux ordres, contre ces travailleurs qu'ils présentent comme « égoïstes » et « surpayés ». L'Allemagne n'est pourtant pas un pays en pointe en ce qui concerne la contestation : la précédente grève pour les salaires dans la métallurgie date de 1995, et elle était limitée à la Bavière. Quant à Berlin, le dernier mouvement des métallos y remonte (si l'on excepte le soulèvement ouvrier de juin 19,53 à Berlin-Est) à 1932 !
Tous ces gens-là ont, évidemment, un culot monstre. Car la revendication mise en avant par l'IG Metall consiste en un simple rattrapage, après des années de modération salariale. D'autant que la situation des entreprises est florissante pour la seule année 2000, leurs profits ont augmenté, selon le syndicat, de 11,6 %. Alors que les revenus réels des salariés se sont accrus de seulement 1,1 % ; et ont même diminué de 0,1 % en 2001.
De son côté, la productivité des entreprises a fait un bond de 8,6 % en 2000 et encore de 4 % en 2001. Quant aux dirigeants des 30 plus grandes entreprises allemandes cotées en Bourse, ils se sont octroyé une augmentation de 64 % sur les deux dernières années.
Un mouvement sur lequel les travailleurs n'exercent aucun contrôle
Alors, les métallos allemands auraient toutes les raisons d'engager un véritable combat pour une augmentation significative des salaires. Une victoire dans ce domaine renforcerait toute la classe ouvrière et la mettrait en meilleure situation pour lutter contre le chômage (il y a 4,3 millions de chômeurs officiels), la précarité et la flexibilité qui se généralisent partout.
Malheureusement ce n'est pas vraiment le cas. Les dirigeants de l'IG Metall avaient commencé, après les attentats du 11 septembre aux Etats-Unis, par parler de modérer les revendications. Ils ont dû réviser leur copie, sans doute devant le mécontentement exprimé par une partie de leur base, et mettre en avant, à la fin de 2001, la revendication de 6,5 %. Il y a ensuite eu des mois de discussion avec le patronat, qui n'offrait au départ que 2 %. Puis des « débrayages d'avertissement » en Bavière et en Rhénanie-Palatinat. Les négociations ont été rompues le 19 avril avec le syndicat patronal Gesamtmetall, qui proposait alors 3,3 % sur 13 mois et une prime de 190 euros. L'IG Metall a fini par organiser une consultation des syndiqués sur l'opportunité d'une grève (il faut 75 % de « oui » pour entamer une action). Tout cela avant d'en arriver au mouvement actuel. Autant dire qu'il ne s'agit pas d'un mouvement qui pourrait, par son ampleur et sa spontanéité, faire peur au patronat. Ce dernier a eu tout le temps de faire des stocks ou de livrer les commandes urgentes. II sait également qu'il pourra rattraper les quelques jours perdus par des samedis travaillés.
Pourtant les syndiqués ont voté (à 90 % dans le BadeWurtemberg et à 86 % à Berlin et dans le Brandebourg) pour la grève. Mais, au-delà de ce vote formel, le déroulement du mouvement n'est absolument pas sous leur contrôle. Ce sont les dirigeants syndicaux qui décident, seuls, quand, où et comment faire grève. Ils diluent ainsi la volonté de lutte dans une « tactique de grève flexible » qui consiste à faire débrayer seulement quelques milliers de salariés en même temps, pour une équipe ou une journée, dans certaines entreprises choisies. Un piquet de grève est mis en place, mais, sauf là où des délégués combatifs essaient d'animer la grève, la plupart des travailleurs sont invités à rentrer chez eux après avoir pointé. Les apprentis, de leur côté, ne sont pas appelés à faire grève.
II s'agit donc pour l'essentiel d'une grève d'opérette dans laquelle les travailleurs ne peuvent mesurer ni leur nombre ni leur force. Et elle ne sert à la bureaucratie syndicale qu'à obtenir de retourner négocier quelques dixièmes de pour cent en plus et présenter cela comme une victoire. C'est ce qui semble se dessiner à l'heure où nous écrivons puisque des négociations doivent reprendre avec le patronat le 15 mai.
Pourtant, au-delà de la métallurgie, bien des travailleurs seraient prêts à s'y mettre aussi. « Comme en Italie ou en Fiance », entend-on souvent dire. Avec sans doute bien des illusions, mais avec l'idée qu'il faudrait se battre tous ensemble. Ce sentiment est d'autant plus partagé que des négociations salariales ont lieu au même moment dans la chimie, l'imprimerie, le commerce de détail, la construction ou chez les cheminots. Mais loin d'aider les travailleurs à mettre leurs forces en commun, les dirigeants syndicaux font tout pour les diviser.
Quelques jours avant le début de la grève dans la métallurgie, le syndicat de la chimie s'est ainsi empressé de conclure un accord pour 3,3 % d'augmentation. En ce moment même, le syndicat du bâtiment est en négociation avec le patronat de ce secteur pour une augmentation de 4,5 %. L'inflation serait-elle moindre pour les salariés du bâtiment que pour les métallos ? Mais sur quelques chantiers, comme à Bottrop et à Leuna, des grèves « sauvages » ont déjà eu lieu.
Alors nous ne savons pas si le climat d'agitation qui touche actuellement le monde du travail va se poursuivre. Mais ce qui est certain, c'est que la classe ouvrière allemande a besoin d'une tout autre politique que celle incarnée par la bureaucratie syndicale. Et il faut espérer qu'à travers les mouvements actuels de nombreux travailleurs en prennent conscience.