USA : Militants noirs victimes de l'arbitraire26/04/20022002Journal/medias/journalnumero/images/2002/04/une1761.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

USA : Militants noirs victimes de l'arbitraire

Le cas de Mumia Abu Jamal, ce militant noir emprisonné depuis vingt ans, a été évoqué souvent dans les colonnes de Lutte Ouvrière. Condamné injustement pour un crime qu'il n'a pas commis, l'assassinat d'un policier, sa sentence de mort a été récemment annulée à la suite d'une longue campagne internationale. Mais il reste à croupir en prison parce que la justice américaine refuse de se dédire et de réviser le procès. Elle a même refusé d'entendre le témoignage d'un autre prisonnier qui a revendiqué le meurtre !

Mumia Abu Jamal n'est cependant pas le seul militant noir que l'Etat américain continue de persécuter vingt-cinq ans après que les feux de la révolte des années soixante et soixante-dix se sont éteints. Bien des contestataires ont renié leur jeunesse, mais le gouvernement américain continue de persécuter ceux qui ne se sont pas repentis. Et c'est bien pourquoi les recours en révision des procès truqués n'aboutissent jamais.

Le cas de Leonard Peltier est un peu connu. Ce militant des droits des Indiens sioux dans les années soixante-dix croupit lui aussi en prison depuis un quart de siècle. Et puis, ces jours-ci, la justice américaine a condamné à la prison à vie un ancien dirigeant du mouvement pour le pouvoir noir (Black Power), H. Rap Brown. Lui aussi était poursuivi pour le meurtre d'un policier. Il a fait appel.

Connu sous ce nom de H. Rap Brown dans les années soixante et soixante-dix, il a choisi la religion musulmane, démoralisé par le reflux du mouvement, et s'appelle désormais Jamil Abdullah Al-Amin. Arrêté et jeté en prison à la suite du meurtre du policier Ricky Kinchen, du comté de Fulton (Géorgie), en mars 2001, Rap Brown-Al-Amin a clamé son innocence depuis le début. Mais depuis son emprisonnement il lui a été interdit de se défendre publiquement des accusations lancées contre lui. En revanche, les autorités judiciaires ont laissé les médias répéter jusqu'à la nausée qu'il était coupable.

Il lui a été également interdit de faire des déclarations politiques sur les raisons de son arrestation : le règlement de comptes dont il fait l'objet de la part du gouvernement américain, qui n'a pas cessé de le persécuter ces trente dernières années.

Le FBI avait réuni sur Rap Brown un dossier de 40 000 documents, sans trouver avant mars 2001 la moindre faille qui ait permis de le jeter en prison. Pour y parvenir, il a fallu une fois de plus forger des preuves " sur mesure ". L'Etat américain a de la suite dans les idées et continue d'user de procédés identiques à ceux utilisés contre les anarchistes Sacco et Vanzetti dans les années vingt, les communistes Rosenberg dans les années cinquante et Mumia dans les années quatre-vingt.

L'accusation ne tient pas debout. Les descriptions des témoins concernant l'allure du meurtrier ne collent pas avec l'apparence de Rap Brown. La couleur de ses yeux et de ses cheveux, non plus. Les témoins disent que l'assassin avait été blessé au moment du meurtre, mais Rap Brown ne l'était pas quand il a été arrêté quatre jours plus tard. Enfin l'un des policiers, témoin du meurtre de son collègue, a modifié son témoignage initial pour qu'il s'accorde avec la personnalité de Rap Brown, une fois celui-ci arrêté.

Au cours du procès a été évoqué le fait que les policiers s'y étaient mis à une centaine pour l'arrêter, qu'ils avaient tiré sur Rap Brown sans qu'il riposte, ce qui, pour le tueur supposé qu'il était, aurait dû au moins troubler le tribunal et les jurés. De même aucun test n'a été fait pour vérifier que Rap Brown avait pu utiliser les armes du crime, lesquelles n'ont d'ailleurs pas été retrouvées en sa possession. Mais le procès était réglé par avance et le juge n'a pas laissé les avocats de la défense développer celle-ci. Si même demain quelqu'un avouait avoir tué le représentant de la loi du comté de Fulton, cela risque de ne rien changer au sort de Rap Brown. Car, visiblement, le crime qu'on lui reproche est d'abord d'avoir appelé à la révolte contre l'Etat américain.

Rap Brown-Al-Amin rejoint en effet une longue liste de militants qui, dans les années soixante et soixante-dix, avaient choisi de s'attaquer et de militer contre la politique de l'Etat américain au Viêt-nam ou vis-à-vis de la ségrégation raciale, cette gangrène de la prétendue démocratie américaine.

Rap Brown était de ceux qui, pendant le mouvement des Noirs pour les droits civiques, leur expliquaient qu'ils ne devaient compter que sur eux-mêmes, sur leur mobilisation, pour changer leur sort. A propos de la guerre du Viêt-nam, c'est encore lui qui avait lancé cette forte parole, reprise par le mouvement anti-guerre : " Aucun Vietnamien ne m'a jamais appelé sale nègre ".

Le plus puissant Etat capitaliste du monde, qui vitupère aujourd'hui contre le terrorisme, n'a jamais cessé de poursuivre et menacer ceux qui s'étaient insurgés contre sa domination. La persécution contre les militants révolutionnaires faisait l'objet, dès les années soixante, d'un programme du FBI, appelé " Cointel-Pro ", dont l'objectif était de mettre hors d'état de nuire les militants américains, d'une façon ou d'une autre. A l'époque, certains, actifs dans le Sud contre la ségrégation raciale ou qui participèrent aux révoltes noires dans les villes du Nord, ou même en furent simplement solidaires, furent assassinés. D'autres, moins connus, sont emprisonnés depuis de longues années. Rap Brown vient de les rejoindre.

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