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- Lutte ouvrière n°1759
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Editorial
Votez pour votre camp
Chirac et Jospin, qui se disputent le poste de président de la République, sont au pouvoir, l'un depuis sept ans, l'autre depuis cinq. On a donc pu juger leur politique.
Chirac est ouvertement au service du grand patronat. Ses deux principaux soutiens, Balladur et Juppé, ont signé des attaques majeures contre les acquis du monde du travail. C'est Balladur qui a décidé d'allonger la durée de cotisations pour la retraite à 40 annuités dans le privé. Juppé a tenté, en 1995, de compléter ce mauvais coup en tentant d'élargir cette mesure aux travailleurs du secteur public. Mais les cheminots et les autres travailleurs du secteur public ont réagi et il a dû piteusement faire machine arrière.
C'est bien la preuve que les travailleurs peuvent faire reculer un gouvernement. Comme en 1936, où un gouvernement de gauche et le patronat ont dû céder aux exigences des travailleurs. Comme en 1968, où un gouvernement de droite avait dû reculer devant la grève générale.
Jospin a prétendu, ces jours-ci, que son gouvernement avait " tenu ses promesses " et que c'était " avec un gouvernement de gauche que les problèmes de chômage, de retraite, et de santé trouveront une réponse. "
Mais pourquoi ce qu'il promet de faire à l'avenir - en termes suffisamment vagues pour que cela ne l'engage pas - ne l'a-t-il pas fait depuis cinq ans ? Pourquoi n'est-il pas revenu sur les mesures Balladur sur les retraites ? Non seulement il ne l'a pas fait, mais c'est son gouvernement qui a décidé que les retraités paieraient la CSG. Pourquoi n'est-il pas revenu sur le plan Juppé concernant la santé, qui se traduit à la fois par une aggravation des conditions de travail du personnel hospitalier, et par la diminution des moyens de se soigner pour les travailleurs ?
Le chômage a certes diminué... un peu. Mais cela n'a pas réduit la pauvreté dans le pays. Au contraire, puisque le nombre de ceux qui se retrouvent sous le seuil de pauvreté est de six millions, qu'ils soient inscrits au chômage ou qu'ils aient un travail.
Le seul bilan dont Chirac et Jospin puissent se vanter, c'est d'avoir fait prospérer les actionnaires des grandes sociétés.
Alors, que pourrions-nous attendre de Jospin, s'il est élu ? Rien de plus que ce qu'il a fait en cinq ans ; la même chose que ce que nous pourrions attendre de Chirac, avec lequel Jospin a cohabité cinq ans sans que rien ne distingue leur politique.
Voter pour Arlette Laguiller, c'est leur dire à tous deux que nous en avons assez d'avoir été trompés. Et plus nombreux nous serons à le faire le 21 avril, plus ils entendront ce message. Ils commencent d'ailleurs à l'entendre. Rien que les sondages actuels qui prévoient autour de 8 à 10 % pour elle - ce qui signifie bien plus dans les classes populaires - contraignent les dirigeants socialistes à infléchir leur discours. Pierre Mauroy, le Premier ministre socialiste qui imposa le blocage des salaires en 1982, en est à se souvenir, à trois semaines du scrutin, que " la classe ouvrière existe " et que " travailleurs " et " ouvriers " ou même " lutte de classe " " ne sont pas des gros mots ". Et si la mémoire revient tout d'un coup à ces gens-là, ils n'en auront pas fini si le scrutin confirme les sondages et que les voix d'Arlette Laguiller manifestent la colère des travailleurs.
Eh oui, la classe ouvrière existe ! Ce n'est pas qu'un mot, ni gros, ni petit. C'est une réalité qui pourra se compter dans l'élection à venir, ce qui permettra de mesurer sa force, et aussi de mieux préparer l'avenir.
Et alors ces politiciens, qui aujourd'hui prétendent que le vote pour Arlette Laguiller serait un vote inutile, que ses voix seraient des voix perdues, devront se rendre à cette évidence : les travailleurs ne les croient plus.
Les voix d'Arlette Laguiller seront seulement perdues pour le PS, le PC et les Verts, et bien sûr la droite, mais ne seront pas perdues pour les travailleurs.
Elles seront au contraire bien utiles pour l'avenir, si les travailleurs reprennent confiance en eux grâce à ce score.
Alors, le 21 avril, votez pour vous, votez pour le camp des travailleurs !