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- Lutte ouvrière n°1755
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Leur société
La révocabilité des élus : C'est dans la loi, mais c'est réservé aux capitalistes
L'élection et la révocabilité des représentants de la population, défendue par Arlette Laguiller, est une vieille revendication du mouvement ouvrier, qui figurait au programme des ouvriers parisiens pendant la Commune de Paris, en 1871. Lorsque notre camarade a défendu cette idée, à plusieurs reprises, notamment dans les émissions de télévision, il y a eu des hauts cris parmi certains participants. Parmi ceux-ci, le journaliste Serge July, qui fut il y a longtemps un dirigeant maoïste, et qui a fait semblant de la découvrir et n'a pas craint de crier à la dictature, mais aussi un politicien comme Mamère, qui se voyait déjà dépossédé de sa mairie de Bègles.
Or la révocabilité est une procédure banale pour les capitalistes. Elle est inscrite noir sur blanc dans le très bourgeois Code du commerce, qui dit que tous les administrateurs sont élus et " peuvent être révoqués à tout moment par l'assemblée générale ordinaire " des actionnaires. Et il ne s'agit pas d'une loi tombée en désuétude. L'actualité économique fournit de nombreux exemples de PDG remerciés parce que leur gestion ne semblait pas assez bénéfique aux grands actionnaires.
Quand les bourgeois sont entre eux, l'élection et la révocabilité sont donc la règle. Le contrôle aussi. On lit dans le même code : " Le conseil d'administration procède aux contrôles et vérifications qu'il juge opportuns. Chaque administrateur reçoit toutes les informations nécessaires à l'accomplissement de sa mission et peut se faire communiquer tous les documents qu'il estime utiles ". Ces jours-ci, le tout-puissant PDG de Vivendi, Jean-Marie Messier, rendait des comptes et justifiait devant les actionnaires les opérations financières dont la profitabilité n'était pas assez éclatante.
Les juristes de la bourgeoisie connaissent bien leur monde puisque la loi répertorie les opérations financières interdites non seulement aux administrateurs mais aussi à leurs " conjoints, ascendants et descendants ainsi qu'à toute personne interposée ", c'est-à-dire à des prête-noms, choisis parmi ceux à qui ils peuvent faire assez confiance pour mettre à leur nom certaines de leurs affaires. Les multiples scandales politico-financiers en fournissent d'abondants exemples.
Election, contrôle, révocabilité, voilà le mode de fonctionnement de tous les conseils d'administration des sociétés capitalistes. Mais les actionnaires importants n'attendraient pas cinq ou six ans pour révoquer un président de conseil d'administration qui ne tiendrait pas ses promesses en matière de gestion de la société ou qui s'enrichirait à leurs dépens.
Evidemment ce fonctionnement démocratique est limité au monde des gros actionnaires. Car, vis-à-vis de l'ensemble de la population, cette minorité de possédants impose, en revanche, une dictature bien réelle, dont les exemples s'appellent Moulinex, Bata, Lu-Danone, Alcatel, Aventis, et bien d'autres. Cette dictature impose ses choix à l'immense majorité des travailleurs, cette fois sans même consulter le moins du monde ceux qui en subissent les conséquences.
Mais quand les travailleurs votent - et encore, à condition d'avoir le droit de vote, un droit dont ne bénéficient pas des millions de travailleurs immigrés - ils n'ont que le droit, comme disaient Marx et Engels, " de décider une fois tous les trois ou six ans quel membre de la classe dirigeante va fouler le peuple au Parlement ". Les électeurs n'ont pas, en réalité, la possibilité de contrôler, ce qui implique le droit de révoquer ceux qu'ils élisent, un droit pourtant bien légitime pour sanctionner les dirigeants politiques qui trahissent leurs engagements.
A fortiori, le secret commercial et bancaire protège la vie économique et ne permet pas aux travailleurs de savoir, quand on invoque telle ou telle situation financière de leurs entreprises ou les conséquences de la concurrence, notamment pour justifier des licenciements, de savoir ce qu'il en est réellement. Pour l'instant, ce sont les informations que les grands groupes capitalistes distillent dans la grande presse qui permettent de constater que les groupes les plus profitables sont souvent aussi ceux qui licencient le plus. La levée du secret commercial et bancaire révélerait à l'ensemble de la population le contraste extrême entre l'enrichissement croissant des classes dirigeantes et la misère qui s'étend dans les quartiers populaires.
Ces droits-là, celui de révoquer à tout moment les élus mais aussi la levée du secret commercial et bancaire, les travailleurs devront les imposer s'ils veulent que le droit de décider, aujourd'hui finalement limité au cercle clos des classes dirigeantes et à ceux qui les servent, politiciens ou directeurs de presse, s'étende à toute la population.