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- Lutte ouvrière n°1754
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Israël-Palestine : Sharon, une politique criminelle pour les palestiniens... et les israéliens
"Frapper les Palestiniens le plus durement possible. Voilà ce dont ils ont besoin : des coups. Il faut qu'ils comprennent qu'ils seront vaincus." C'est ainsi que le Premier ministre israélien Sharon a résumé sa stratégie le 5 mars, après plusieurs jours d'un enchaînement de violences qui ont fait des dizaines de morts, cette fois tant du côté israélien que du côté palestinien.
Sharon tient le langage des tenants de toutes les guerres coloniales, des soudards qui pensent que la seule issue à un conflit est de faire " comprendre " au peuple qu'ils oppriment que sa rébellion est sans espoir, et à qui l'histoire n'a rien appris. Et pourtant, depuis un an et demi qu'a commencé la seconde Intifada, après la visite provocatrice du même Sharon en septembre 2000 sur l'esplanade des Mosquées de Jérusalem, les événements se sont chargés encore une fois de montrer dans quelle impasse sanglante mène cette politique de force.
En se livrant à des incursions dans des camps palestiniens à Jenine et à Naplouse, en Cisjordanie, les chefs de l'armée israélienne prétendaient avoir frappé un grand coup. Ces expéditions militaires, la conquête à l'aide de chars, masure par masure, de camps de réfugiés misérables, étaient censées démontrer aux " terroristes " qui visent Israël que celui-ci peut les frapper où il veut. Mais toutes ces opérations militaires ne dissuadent évidemment personne. Et qui pourraient-elles dissuader ou arrêter, alors que la situation faite au peuple palestinien fait naître par centaines et par milliers des vocations de martyrs prêts à sauter avec la bombe qu'ils portent pourvu que cela puisse faire des morts et semer la panique dans le camp adverse ?
On a donc encore assisté, en ces quelques jours du début mars, à une suite d'attentats-suicide, sans parler de l'attaque d'un tireur isolé contre un poste de contrôle de l'armée, qui a fait dix morts parmi les soldats et les colons israéliens, puis a réussi à s'enfuir. Les attentats-suicide sont odieux pour la population israélienne, qu'ils frappent au hasard, et aussi pour leur auteur qu'ils sacrifient. Mais les " ripostes " israéliennes ne le sont pas moins, qui croient frapper de terreur un peuple par la puissance des moyens utilisés et qui font chaque fois des victimes civiles prises au hasard, hommes, femmes et enfants. Le résultat, si l'on en croit la presse, serait désormais l'effritement de la crédibilité de Sharon auprès de l'opinion israélienne. En un an après sa venue au pouvoir, il a démontré que sa politique mène à l'impasse et qu'elle n'apporte même pas plus de sécurité aux Israéliens, dont chacun peut désormais craindre à tout moment, dans la rue, de tomber victime d'un attentat.
Pendant des années, Sharon a cultivé son personnage de général jusqu'au-boutiste. Prenant l'initiative de créations de colonies israéliennes à Gaza à coups de bulldozers, déclenchant la guerre du Liban en 1982, mettant son propre gouvernement devant le fait accompli, couvrant les milices libanaises massacrant les Palestiniens à Sabra et Chatila, dénonçant les accords d'Oslo comme des concessions inadmissibles aux Palestiniens, il s'est présenté pendant tout ce temps comme le recours, l'homme qui n'hésiterait pas à mater les Palestiniens, par tous les moyens.
Aujourd'hui Sharon est au pouvoir, les dirigeants américains le couvrent, l'armée a pratiquement carte blanche pour mener ses opérations dans les Territoires occupés... et l'action de son gouvernement évoque plutôt un déchaînement de rage impuissante. Il ne reste à Sharon qu'un important atout : l'absence d'alternative du côté des dirigeants travaillistes. Ceux-ci, qui ont contribué à l'amener au pouvoir, participent à son gouvernement et ne proposent en fait pas d'autre politique que celle de Sharon, qui n'est elle-même que le prolongement, d'une façon plus déterminée, de celle qu'ils ont menée auparavant.
Alors, c'est peut-être malheureusement de droite que peuvent venir des surenchères. Les groupes d'extrême droite israéliens ne manquent pas, qui prônent l'annexion pure et simple des Territoires et l'expulsion de tous les Arabes, une " purification ethnique " à l'échelle de la Palestine, et qui reprochent à Sharon d'hésiter à aller jusque-là.
Ces partisans de l'ignominie oublient seulement une chose : si Sharon ne le fait pas, ce n'est pas parce que les scrupules étoufferaient ce partisan de longue date du " grand Israël " mais parce qu'il n'en a pas les moyens politiques. Malgré tout, malgré l'évolution à droite qu'a connue ces dernières années toute la société israélienne, on assiste à des manifestations d'opposition, et cela jusque dans l'armée. Une grande partie de la population continue à penser qu'un jour ou l'autre il lui faudra s'entendre avec ses voisins, et n'est pas prête à envisager la guerre totale et prolongée à laquelle pourrait conduire la poursuite de la politique de Sharon, et plus encore celle que proposent ses critiques d'extrême droite.
Avant de mener cette guerre-là, avant de pouvoir mener une politique radicale d'expulsion des Palestiniens, il faudrait embrigader la population israélienne, faire taire les oppositions, instaurer un véritable fascisme contre les Israéliens eux-mêmes, faire accepter cela à la population et assumer les conséquences d'un tel choix politique auprès de l'opinion publique occidentale, dont la pression malgré tout compte beaucoup.
Cela, Sharon malgré ses rodomontades n'a pas aujourd'hui les moyens de le faire, ni d'ailleurs l'extrême droite israélienne. Mais ils peuvent les avoir demain et c'est bien le danger. La population israélienne n'est pas menacée seulement par les attentats-suicide palestiniens. Elle l'est peut-être plus encore, à terme, par la politique de ses dirigeants et celle de son armée.
Il est urgent et indispensable que grandisse dans la population israélienne une opposition à cette sale guerre, qu'elle trouve une voie vers la population palestinienne, et qu'avant qu'il ne soit trop tard elle arrête cet engrenage, aussi dangereux et meurtrier pour elle que pour les Palestiniens.