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Leur société
Amiante : La vie des ouvriers ne pèse pas lourd !
Le jeudi 28 février, la Cour de cassation, la plus haute instance judiciaire, a confirmé 29 des 30 arrêts rendus en faveur des victimes de l'amiante qui déclaraient que les entreprises ont commis des " fautes inexcusables " en exposant les salariés à l'amiante.
Ce même jour, 2000 travailleurs de la métallurgie ont manifesté à l'appel de la CGT pour protester contre le danger d'exposition à l'amiante. Ils se battent pour exiger de bénéficier des dispositions de départ à la retraite anticipé prévues pour les victimes de l'amiante.
La CGT réclame aussi un examen par scanner obligatoire pour tous les salariés exposés à l'amiante. Elisabeth Guigou, qui a reçu une délégation à l'issue de la manifestation, a promis des " groupes de travail " par industrie dans les prochaines semaines. Cela promet donc de traîner en longueur. La bataille est loin d'être terminée pour les travailleurs !
Les sociétés Valéo, Bendix (accessoires automobiles), Eternit et Everite (cimentiers) ainsi qu'Alcatel, sont mises en cause par la Cour pour ne pas avoir pris " toutes les précautions pour protéger leurs employés ". Une ancienne employée d'une usine Valéo dans le Calvados, dont le mari est mort d'un cancer du poumon dû à l'amiante et qui est elle-même malade, raconte que les ouvriers ont déchargé pendant des années ce poison à mains nues. Mais les sociétés attaquées n'ont même pas été toutes mises en cause. Ainsi la Cour de cassation a décidé que la société sidérurgique Sollac n'avait pas pu, soi-disant, avoir conscience du danger, car l'amiante n'était ni manipulée, ni fabriquée, mais " simplement " utilisée dans les vêtements professionnels des ouvriers. Ce sont 27,7 % des retraités ayant quitté la vie professionnelle entre 1994 et 1996, près d'un tiers, qui ont été exposés à l'amiante, avec une durée moyenne d'exposition de 14,6 années. D'ici à 2025, il pourrait y avoir 100 000 morts de l'amiante. Et ces calculs reposent sur l'hypothèse que le risque d'exposition est désormais supprimé, ce qui reste très incertain.
On connaît pourtant depuis le début du siècle les risques liés à l'utilisation de l'amiante. Et depuis les années 60, on sait que l'inhalation d'amiante entraîne à la longue des cancers, comme les mésothéliomes, pour l'instant incurables, ou des tumeurs des bronches, ou encore une autre maladie des poumons, l'asbestose qui aboutit à une insuffisance respiratoire grave et irréversible, doublée d'une insuffisance cardiaque également. La maladie peut se déclarer des années après l'exposition.
L'amiante n'a été interdite qu'en 1975 aux Chantiers de l'Atlantique de Saint-Nazaire, (mais elle aurait été utilisée encore jusqu'en 1997), et seulement 1977 dans les usines textiles et cimenteries. Les gouvernements allemand et belge ont interdit son utilisation en 1980. En France, il a fallu attendre encore quinze ans de plus, pendant lesquels des milliers de travailleurs continuèrent à être exposés à ce danger mortel. Pendant toutes ces années, les représentants de différents ministères, les personnes chargées théoriquement de veiller à la protection des risques industriels, celles chargées de la santé publique, des scientifiques, ont donc sciemment couvert les pratiques criminelles des industriels. Les décrets interdisant l'utilisation de l'amiante, parus le 1er janvier 1997, ne décidèrent même pas immédiatement une interdiction totale. Des milliers de victimes de l'amiante, bien loin d'être toutes reconnues comme atteintes de maladies professionnelles par la Sécurité sociale, ont engagé des actions en justice contre leurs employeurs. Le jugement rendu par la Cour de cassation pourrait avoir des répercussions pour l'ensemble des dossiers d'indemnisation d'accidents du travail et de maladies professionnelles dont le nombre est croissant d'année en année. La reconnaissance de la " faute inexcusable " de l'employeur permettra au moins aux victimes d'obtenir une majoration des indemnités. Seulement l'indemnisation arrive parfois après la mort de la victime. Il faut souhaiter que la décision de la Cour de cassation accélère la marche à pas de tortue du gouvernement et de la justice dans cette affaire. Car la liste des victimes de l'amiante sacrifiées sur l'autel des profits capitalistes, pendant ce temps, continue de s'allonger.