Algérie : Des élections contre un mouvement populaire qui ne désarme pas08/03/20022002Journal/medias/journalnumero/images/2002/03/une1754.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Tribune de la minorité

Algérie : Des élections contre un mouvement populaire qui ne désarme pas

Dans l'espoir de se sortir d'un pas difficile le président Bouteflika a annoncé des élections législatives pour le 30 mai. Après la proclamation de la "concorde civile" prétendant en avoir fini avec les massacres des Islamistes, il tente de donner une autre image de son régime et de faire croire à une Algérie démocratique s'offrant des élections libres.

Son objectif est également d'engager les partis politiques d'opposition de Kabylie à jouer davantage leur rôle de pompiers face à l'embrasement de ces derniers mois. Qu'il s'agisse du FFS, n'ayant jamais fait partie du gouvernement, ou du RCD qui s'était lui senti obligé de le quitter face à la mobilisation de la population kabyle.

Le chef de l'État a convoqué tous les partis. Le RCD a accepté d'aller discuter, mais le FFS a décliné l'invitation. L'un comme l'autre ont cependant, dans un premier temps, affirmé leur volonté de participer à l'élection. Aujourd'hui ces partis sont plus qu'hésitants et leurs propos sont embarrassés. Ils lorgnent certes sur les sièges de députés, mais ils sont aussi sous la pression du mouvement de contestation en Kabylie. La population y reste très mobilisée et les différents comités se sont d'ores et déjà prononcés pour le boycott,

Débuté en avril de l'an dernier, le mouvement n'a pu être maté, malgré une répression sanglante faisant plus de cent morts et des milliers de blessés. A défaut de perspectives claires, la justice pour lés victimes de la répression reste une solide motivation pour continuer la lutte tant que le pouvoir n'aura pas cédé. Ces derniers mois, des manifestations se transformant en émeutes et en affrontements avec les forces du pouvoir se sont succédées d'une ville ou d'une localité à l'autre. Dans toute la région, la population rejette toujours toute présence de la gendarmerie, responsable des massacres du printemps. L'intervention récente de l'armée en appui de la gendarmerie n'a pas vraiment changé la situation. Et il est toujours aussi difficile aux gendarmes de sortir de leurs casernes sans risque de heurts. Mercredi 27 février une nouvelle journée de sit-in devant les gendarmeries a ainsi eu lieu.

La politique du bâton n'a pas marché, celle de la carotte non plus

Les quelques concessions du pouvoir comme la reconnaissance de la langue berbère, la libération des jeunes manifestants emprisonnés, les facilités pour des visas vers la France et le déblocage de fonds pour le développement des régions, n'ont pas calmé la population. Les deux structures qui dirigent la lutte, les Archs et les comités populaires, ont refusé de participer au prétendu dialogue proposé par Bouteflika. Les faux délégués qui s'y sont prêtés ont été discrédités et la manoeuvre a échoué. Le pouvoir qui au début du mouvement croyait trouver dans les Archs un nouvel appareil remplaçant RCD et FFS pour encadrer et calmer la population, a fait un faux calcul. Il espérait également que la répression allait enfermer les mécontentements sur des bases identitaires, mais là aussi il s'est trompé. L'annonce des élections, loin de permettre au pouvoir de reprendre au travers du RCD et du FFS son emprise sur la région, met ces partis en difficulté, les manifestants signifiant clairement que toute organisation qui sacrifiera les victimes du printemps kabyle à quelques strapontins électoraux perdra toute influence dans la région.

Le mouvement de contestation en Kabylie gêne d'autant plus le pouvoir qu'il se prolonge dans le reste du pays. Ailleurs aussi, des manifestations dégénérant souvent en émeutes se sont déroulées, contre le chômage, sur les problèmes de logement, d'eau, de corruption des pouvoirs locaux, ou contre les exactions et tueries des forces de l'ordre. Tout le pays en a assez de la dictature militaire, de la misère et de la répression. Sans parler de la poursuite des attentats sanglants que la dictature n'évite nullement (sauf dans la zone pétrolière, comme par hasard).

Dans le même temps, la contestation sociale menace toujours. Dernièrement les enseignants de Béjaïa en grève ont entraîné non seulement ceux de Kabylie mais aussi de tout le pays dans un mouvement national très massivement suivi. Dans tous les secteurs, les salaires impayés depuis des mois, ou bloqués alors que les prix sont au plus haut, alimentent le mécontentement. D'autant plus que les rentrées d'argent liées au gaz et au pétrole ont atteint des sommets (officiellement 18,5 milliards de dollars d'exportations en 2001), et que cet argent alimente les fortunes de quelques potentats locaux en même temps qu'il grossit le capital de grosses sociétés étrangères. Le peuple travailleur algérien n'en voit pas la couleur et ne connaît aucune amélioration, ni pour se loger; ni pour se soigner, ni pour faire face à des catastrophes comme la dernière inondation.

Pour tenter de masquer les problèmes, Bouteflika en est alors réduit à de grossières manoeuvres et souffle sur le nationalisme. Il vient ainsi de s'afficher aux côtés des Sahraouis en guerre contre l'État marocain pour leur indépendance, et des bruits bottes résonnent à nouveau aux frontières entre Algérie et Maroc.

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