Afghanistan : Ben Laden évaporé... restent les milliers de victimes afghanes22/02/20022002Journal/medias/journalnumero/images/2002/02/une1752.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Afghanistan : Ben Laden évaporé... restent les milliers de victimes afghanes

Les autorités américaines ne parlent plus guère de Ben Laden et à peine de son réseau al-Qaida. L'ennemi numéro un de Bush s'est évaporé et tout ce qu'il pourrait faire aujourd'hui, c'est avouer qu'il n'y peut rien.

Du coup le glaive de la "justice" dont Bush s'était emparé pour justifier son aggression contre l'Afghanistan fait de moins en moins illusion. Et certains commentateurs américains en viennent à poser des questions sur les Afghans morts sous les bombes américaines et en particulier sur le nombre de civils tués.

Il ne peut s'agir que d'estimations, bien sûr, essentiellement basées sur des rapports de presse nécessairement incomplets et imprécis. Celle que la presse américaine reprend le plus souvent a été établie par un professeur de l'université du New Hampshire, Marc Herold. D'après lui, les 11 315 bombes déversées par l'aviation américaine sur l'Afghanistan auraient fait plus de 3 700 morts dans la population civile. D'autres estimations, comme celle d'un expert du déminage en poste à Kaboul, cité par l'agence Reuters, parlent de 8 000 morts.

Et encore faudrait-il ajouter que, comme dans toute guerre, la distinction entre les morts militaires, prétendument "légitimes", et les morts civils, qui ne le seraient pas, relève d'une certaine hypocrisie. Car parmi les combattants talibans qui ont trouvé la mort, combien avaient vraiment choisi le camp où ils se battaient, ou même de se battre d'ailleurs ? Et ne faudrait-il pas ajouter des milliers de talibans "malgré eux" au nombre des victimes innocentes ?

Les galonnés de l'état-major américain n'en persistent pas moins à affirmer impertubablement que cette guerre "a été la plus précise que la nation ait jamais livrée". Et en un certain sens, on peut leur donner raison. Au sens où, contrairement à ce qu'affirment la presse et bon nombre des commentateurs qui critiquent cette guerre aujourd'hui, les victimes innocentes des bombes américaines n'ont pas été dues à des "bavures" ni à des "erreurs". Car l'impérialisme ne fait jamais de guerre "propre" qui respecterait des populations qu'il méprise. Au contraire ses dirigeants visent toujours à affaiblir leurs ennemis en s'attaquant à leur population, quitte d'ailleurs, au besoin, à envoyer leur propre population à la boucherie. L'Afghanistan ne fait pas exception. Ceux qui y ont péri sous les bombes de Bush ont été victimes d'une politique délibérée, dont le but était de semer la terreur dans la population, pour l'exemple d'abord, et pour s'assurer de sa soumission.

Et c'est ainsi que des milliers, peut-être des dizaines de milliers d'Afghans, qui n'étaient pour rien dans les attentats du 11 septembre, ont payé de leur vie la volonté des dirigeants américains de se livrer à une démonstration de force au vu et au su de l'ensemble des populations des pays pauvres, pour qu'il ne soit pas dit qu'on puisse porter impunément des coups au sein même du bastion de l'impérialisme.

F.R.

Afghanistan - La poudrière reste une poudrière

Aux dires des dirigeants américains, le régime qu'ils avaient mis en place à Kaboul après la fin des bombardements, était censé assurer l'avenir du pays en garantissant sa stabilité politique et son unité. On pouvait d'emblée en douter à en juger par le simple fait que la plupart de ses principaux acteurs avaient joué un rôle de premier plan dans le déclenchement de la guerre civile à partir de 1992. Et d'ailleurs les multiples exemples de tensions entre groupes armés des différents clans ne pouvaient que renforcer ce doute. Cependant, jusqu'à présent, ces tensions ne s'étaient pas manifestées au sein du gouvernement lui-même, ou tout au moins pas de façon publique. Mais, aujourd'hui, c'est chose faite.

Le 14 février, le ministre de l'Aviation du gouvernement de Kaboul, Abdul Rahman, était en effet assassiné sur l'aéroport de la ville. Les circonstances du meurtre demeurent obscures. Dans un premier temps on accusa un groupe de pèlerins qui, ayant attendu vainement un avion depuis longtemps pour se rendre à La Mecque, devinrent furieux lorsque le ministre réquisitionna pour son compte le seul avion disponible. Cependant, dès le lendemain, le Premier ministre Hamid Karzai accusait de ce meurtre des dignitaires du régime - dont le chef des services secrets et l'un des adjoints du ministre de la Défense.

Or il se trouve que les accusés font partie du Jamiat-e-Islami, le parti intégriste tadjik qui est la principale composante de l'ex-Alliance du Nord, tandis que la victime est un ancien membre de ce parti passé il y a plusieurs années dans le camp de l'ex-roi Zaher Shah, c'est-à-dire celui du Premier ministre lui-même.

Que le complot en soit réellement un ou pas est sans grande importance. Dans un cas comme dans l'autre, cette affaire souligne le fossé béant qui sépare les partisans de Zaher Shah des anciens hommes forts de l'Alliance du Nord. Or ce sont ces derniers qui tiennent les postes clés dans le gouvernement et qui ont les forces militaires les mieux organisées sur le terrain. Ce qui explique sans doute les tentatives de Washington de calmer son poulain Hamid Karzai en déclarant qu'il vaudrait sans doute mieux pour tout le monde s'en tenir à blâmer... des pélerins anonymes.

Cette affaire a couvert de ridicule la "Force Internationale de Sécurité et d'Assistance", chargée pourtant d'amortir les conflits entre les factions, dans la mesure où elle n'a pas su empêcher cet assassinat qui s'est déroulé sous son nez dans la seule zone placée entièrement sous son contrôle. Quelques jours plus tard, le ridicule tournait au tragique, lorsque des militaires anglais abattaient "par erreur" un jeune Afghan qui accompagnait sa soeur enceinte à l'hôpital.

Et c'est pour en arriver à cet "avenir"-là que des milliers d'Afghans devaient périr sous les bombes américaines ?

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