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Commission d'enquête sur les usines à risques : Les parlementaires laissent les mains libres aux patrons
La commission d'enquête parlementaire sur la sécurité des installations industrielles, après l'explosion de l'usine Grande-Paroisse AZF de Toulouse a présenté son rapport. Les parlementaires de cette commission font des constats, évidents mais après coup.
La vie et la santé des travailleurs quotidiennement menacées et les lenteurs parlementaires
La fuite de dioxine à Seveso (Italie) en 1976, qui avait intoxiqué des milliers de personnes, n'avait provoqué qu'une " réflexion " sur les sites potentiellement dangereux et avait débouché, six ans plus tard, en 1982, sur une " directive européenne " dite " Seveso ". En 1996, une nouvelle directive Seveso devait prétendument durcir les obligations des industriels en matière de sécurité. On voit ce que cela a donné à Toulouse.
Il existe en France 1250 sites industriels classés Seveso, dont 500 classés " Seveso " à " seuil haut ", les plus dangereux pour les travailleurs de l'usine comme pour ceux qui vivent autour. Parmi ces 500 établissements, on compte 50 à 60 installations à risque élevé. La liste des accidents industriels, selon le ministère de l'Environnement, était déjà longue avant cette catastrophe, avec, pour l'an 2000, 1779 incendies, explosions, pollutions, chutes ou irradiations. Et ce n'est sûrement qu'une petite partie des accidents, car beaucoup ne sont pas déclarés.
Les parlementaires certes dénoncent ...
"La commission a pu constater un certain décalage entre le discours (...) et la réalité de pratiques encore trop souvent caractérisées par une pression croissante des impératifs de rentabilité et par la marginalisation des salariés". Le constat est bien faible. En effet, les travailleurs risquent leur vie en permanence, et dans toutes les entreprises, parce que les patrons veulent toujours le profit maximum.
Le niveau global des dépenses de maintenance de l'industrie française aurait, entre 1994 et 2000, diminué de 15 milliards de francs, alors que le chiffre d'affaires de cette dernière a augmenté de 1000 milliards de francs.
La commission dénonce cette autre évidence : l'utilisation d'un grand nombre d'entreprises de sous-traitance sur un même site, l'emploi précaire, en soulignant que la formation des intérimaires, quand elle existe, ne dépasse souvent pas trois quarts d'heure. Les parlementaires montrent du doigt les réductions d'effectifs. Atofina, par exemple, supprime 503 emplois, dont une partie touchent justement les fonctions de maintenance et de sécurité. Thierry Desmarest, le PDG de TotalFinaElf, a eu le culot pourtant d'affirmer que sa " conviction profonde est que les réductions d'effectifs ont en fait amélioré la sécurité et d'abord parce qu'il y a moins de personnes exposées ".
Les auteurs du rapport proposent de renforcer les inspections des installations classées Seveso, en doublant le nombre d'inspecteurs. Pourtant, les mêmes expliquent qu'un rapport des services de l'Etat chargés de la sécurité (la DRIRE) de 1990 envisageait bien le scénario de l'explosion du nitrate d'ammonium, mais qu'il a ensuite été abandonné. Pendant les années qui ont suivi, la DRIRE n'a rien pu ou rien voulu voir.
La commission envisage aussi comme solution le renforcement du rôle du comité d'hygiène et de sécurité, le CHSCT. Mais, outre les pressions que subissent parfois des syndicalistes de ces CHSCT quand ils tentent de dénoncer les mauvaises conditions de travail, l'obstacle est encore le même. Tout ce qui coûte de l'argent, le patron n'en veut pas. Le directeur de l'usine Atofina de Carling (Moselle) a refusé les solutions proposées par des syndicalistes du CHSCT, car elles étaient "économiquement irréalistes ", c'est-à-dire trop chères à son goût.
La commission propose d'aider les patrons.
La création d'un fonds de prévention des risques industriels est envisagée, toujours à titre de proposition, un fonds qui serait financé par une taxe dont l'origine reste vague, et par l'Etat, qui aiderait les entreprises à financer des investissements concernant la sécurité. On augmenterait donc encore les aides aux industriels. Cela devrait pourtant être au patron de tout payer pour prévenir les accidents, et bien sûr pour réparer tous les dégâts causés quand l'accident est survenu.
Comme après chaque catastrophe, cette enquête aboutira, peut-être, à une nouvelle loi qui ne changera rien. Ce sont les travailleurs qui savent ce qui est stocké et dans quelles conditions, qui savent quel est le matériel usé qui devrait être remplacé au plus vite, et donc ce sont eux qui pourraient agir pour que ce contrôle soit suivi d'effet. Et collectivement ils auraient la force sociale qui leur permettrait d'imposer aux patrons de faire les investissements nécessaires.