Etats-unis : Bush s'en va-t-en guerre08/02/20022002Journal/medias/journalnumero/images/2002/02/une1750.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Etats-unis : Bush s'en va-t-en guerre

Le 29 janvier, dans son discours sur "l'état de l'Union", le président Bush a brossé un tableau apocalyptique du monde. Des "dizaines de milliers" de dangereux terroristes "entraînés à tuer de toutes les manières, souvent soutenus par des régimes hors-la-loi, sont répartis dans le monde comme autant de bombes à retardement, prêtes à exploser sans prévenir". Ils menacent "les centrales nucléaires américaines, les réservoirs d'eau, les villes (...) et les monuments". Il a aussi désigné les pays accusés de les soutenir : la Corée du Nord, l'Iran et l'Irak. Ces pays constitueraient un "axe du mal" contre lequel l'Amérique doit mener la guerre, une "guerre qui ne fait que commencer".

Bush n'avait apparemment aucune intention de rassurer l'opinion américaine, après cinq mois d'une guerre dont le principal objectif, la prise de Ben Laden "mort ou vif" n'a toujours pas été atteint. Au contraire, en tenant des propos aussi alarmistes, Bush fait d'une pierre deux coups. Il conforte son image d'"homme fort". Lui, le mal élu, qui avait dû attendre des semaines qu'un tribunal le déclare officiellement président des Etats-Unis élu avec la plus courte majorité de l'histoire, le voici à nouveau, après les attentats du 11 septembre, dans la posture de l'héroïque défenseur d'une Amérique assiégée. Cela lui permet de miser sur le patriotisme pour rassembler autour de lui une majorité d'Américains et faire taire les critiques : son ex-concurrent à la présidence, Al Gore, s'est par exemple déclaré son "premier supporter".

D'autre part, en désignant à l'Amérique un nouvel ennemi, Bush essaye de combler un vide. A la "menace communiste" qu'il ne peut plus invoquer depuis la fin de l'URSS, il substitue la "menace terroriste" et pour la rendre encore plus crédible il désigne aujourd'hui des Etats accusés d'exporter la terreur et de "menacer la paix du monde... en recherchant des armes de destruction massive".

A défaut de rassurer le peuple américain, ces propos ont certainement dû calmer les angoisses des grandes entreprises américaines spécialisées dans la fabrication d'armements - qui avaient déjà apprécié, sinon suscité, la dénonciation en décembre du traité sur le désarmement. Elles ont d'autant plus de raisons de se réjouir que Bush a ajouté que le pays serait défendu "quel qu'en soit le coût". Pour l'heure, il a commencé par demander aux deux chambres du Parlement de voter un budget militaire de 366 milliards de dollars, en hausse de 15 %, la plus forte augmentation depuis une vingtaine d'années !

Les propos de Bush ont évidemment suscité des réactions un peu partout dans le monde. Celles de la Corée du Nord, de l'Iran et de l'Irak, bien sûr, mais aussi celles de la Russie et de la Chine - les principaux fournisseurs d'armes et de conseillers militaires de ces pays. Les pays d'Europe, et notamment la France, ont aussi exprimé leur "préoccupation". Mais Bush s'en moque. Il a d'ailleurs répondu par avance à ces critiques en disant : "Certains gouvernements seront timides face à la terreur. Mais ne vous y trompez pas, l'Amérique agira".

Le problème de Bush n'est d'ailleurs pas tant la Corée du Nord, l'Irak ou l'Iran, qui servent de boucs émissaires. Les dirigeants américains entendent avoir les moyens d'imposer la terreur à tous les peuples qui, dans le monde, voudraient s'opposer à la domination économique et politique des grandes puissances, à commencer par la première d'entre elles. Quant aux armes de destruction massive que cela nécessite, Bush entend en réserver le marché en priorité à ses propres marchands d'armes. Ce qui explique la "préoccupation" de certains de ses alliés et néanmoins concurrents, comme la France.

A défaut d'être rassurant, l'"axe" politique de Bush est clair.

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