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- Lutte ouvrière n°1749
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Miroux - Ferrière-la-Grande (Nord) : - la clé sous la porte et les ouvriers à la rue
La robinetterie industrielle Miroux (fonderie et atelier) a été mise en liquidation judiciaire le 17 janvier. 71 travailleurs se retrouvent ainsi à la rue avec seulement l'indemnité conventionnelle de licenciement, c'est-à-dire le minimum légal. Dans la lettre qu'il a adressée à tous les salariés, le directeur, François Miroux, descendant et chef de file de la famille propriétaire de l'usine depuis plus d'un siècle, affirme : " La famille Miroux a tout de même permis à nombreux salariés pendant plus de cent ans de bénéficier d'un travail et d'un salaire. " S'adressant aux ouvriers qui osent protester contre les licenciements, il ajoute : " Il est facile de cracher dans la soupe après en avoir bénéficié tant d'années. "
Chez Miroux, en décembre dernier, un OP1, avec près de 38 ans d'ancienneté, travaillant en 2x8, gagnait, toutes primes comprises, 6 481,10 F même pas 1 000 euros. La soupe dont parle le patron n'est pas bien grasse, et les crachats des ouvriers, silicosés bien avant d'atteindre l'âge de la retraite, sont pleins de rouille, de plomb et d'amiante.
Et c'est comme ça, en effet, qu'il y a eu un siècle de bénéfices. La façon dont ils ont été partagés est visible dans la ville même. L'usine est entourée de trois maisons de maître, dont deux appartiennent encore aux Miroux. Dans l'une d'elles, deux personnes de la famille vivent dans 23 pièces. En face, dans une friche, il y a deux ans encore, Miroux louait à certains de ses ouvriers et à leur famille des bâtisses délabrées comprenant seulement une chambre et une cuisine (pour les toilettes, on pouvait vider le seau dans la friche), pour 500 F par mois.
Ces bénéfices n'ont pas été investis dans l'usine, ou très peu. Elle ressemble a ce qu'elle devait être il y a un siècle, en pleine ville, entourée de ruines diverses, devant, sur la rue, un dépotoir à moules de fonderie. La toiture est pourrie. Il y a encore un pont roulant sur lequel il faut monter les pièces à la force des bras. Le chauffage de la fonderie se faisait par des braseros, remplacés récemment par des bouteilles de gaz. Et, comme il n'y a pas de petites économies, les bleus neufs n'ont pas été distribués en octobre ; de même il a fallu, cet hiver, que les travailleurs débrayent pour obtenir que l'usine soit chauffée. Pourquoi en effet acheter du gaz pour chauffer une usine qu'on se prépare à fermer ? Pourquoi acheter des bleus pour des ouvriers qu'on mettra bientôt à la rue ?
La famille propriétaire s'est arrangée pour soustraire ses bénéfices et sa fortune à la curiosité du public. Elle a formé une société financière, la SOPAMI (Société des Parents Miroux), qui verse des rentes à ses membres. Cette société, de même que les biens privés de la famille (résidences, bateau de plaisance, chasses, actions, etc.), ne seraient donc en rien concernés par la faillite de l'usine.
Mais, de même que, il y a quelques années, des conduites de mazout et d'alimentation électrique passaient directement de l'usine aux maisons de maître, des " conduites " passent directement de la caisse de l'usine aux coffres de la famille, depuis un siècle, les remplissant sans cesse. C'est cette fortune-là qui devrait servir à assurer une vie correcte aux 71 ouvriers de Miroux, le temps qu'ils retrouvent du travail ou qu'ils soient en retraite. Et pour cette famille de patrons ça ne serait encore pas cher payé, au regard de trois générations d'exploitation.