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Etats-Unis : Le scandale Enron fait des dégâts
La plus grosse faillite de l'histoire des Etats-Unis, celle d'Enron, société spécialisée dans l'achat et la vente d'énergie (électricité, gaz, etc.), provoque quelques dégâts collatéraux.
Le PDG, excellent ami et gros financier de George Bush, a dû démissionner. Un ancien vice-président de la société a été retrouvé mort dans sa Mercedes ; il se serait suicidé en se tirant une balle dans la tête. Il était accusé d'avoir profité, comme d'autres dirigeants de cette société, de sa connaissance de la situation d'Enron pour s'enrichir (il avait vendu pour 35 millions d'actions lui appartenant avant son départ en décembre dernier) et était cité comme témoin dans plusieurs enquêtes en cours sur Enron.
Nombre d'Américains peuvent ainsi prendre peu à peu conscience de l'incroyable arnaque organisée par les dirigeants d'Enron. Spécialisée dans l'énergie, Enron consacrait l'essentiel de son activité, non pas à la production d'énergie, mais à son négoce, c'est-à-dire à acheter et vendre en profitant des hausses de prix exorbitantes qui ont suivi par exemple la déréglementation de l'électricité en Californie- où les factures d'électricité ont doublé en un an, entre 1999 et 2000.
Mais les financiers à la tête d'Enron ne se contentaient pas d'escroquer, légalement, les abonnés ; ils escroquaient aussi leurs actionnaires, en investissant à titre personnel dans les opérations juteuses et en dissimulant, avec l'aide du cabinet d'audit Andersen, les pertes qu'ils faisaient sur d'autres opérations.
Enfin, et c'est sans doute ce qui choque le plus la population aux Etats-Unis, ils ont escroqué leurs employés, en leur proposant un " plan de pension ", c'est-à-dire un système d'épargne pour la retraite, reposant sur l'achat d'actions de la société. Comme la valeur de ces actions a été divisée par 75 aujourd'hui, les employés d'Enron se retrouvent à la fois au chômage, et avec une caisse de retraite vide. Au total, les 21 000 employés d'Enron ont été grugés de cette façon de 1,2 milliard de dollars.
Depuis dix ans, ce type de " plan de pension " s'est répandu, avec l'encouragement des autorités et des financiers, trop heureux de disposer de ces sommes, qui représentent l'épargne de millions de travailleurs, pour spéculer.
Le système traditionnel de retraite de salariés n'était peut-être pas extraordinaire : il fallait avoir travaillé dans la même société pendant au moins trente ans pour toucher une retraite pleine. Mais au moins, le montant de la retraite était connu et stipulé dans le contrat. Avec le nouveau système, c'est la Bourse qui décide : si elle monte, la valeur (potentielle) de la retraite augmente, si elle baisse, il peut ne plus rien rester (par contre, dans les deux cas, les sociétés qui gèrent ces fonds touchent des honoraires très élevés).
Certains fonds de pension ont une gestion relativement prudente et investissent dans les actions, mais aussi dans l'immobilier, les obligations d'Etat, etc. D'autres font comme Enron, investissent la totalité des fonds dans les actions de la société et se servent de cet argent comme d'une réserve de trésorerie ou pour spéculer. De nombreux travailleurs ont ainsi vu le montant prévisible de leur retraite fondre, comme ceux de Polaroïd, Lucent Technologies, Nortel, etc.
Bush se dit " scandalisé "... maintenant que le scandale a éclaté ; sa propre belle-mère a acheté l'été dernier pour 8 000 dollars d'actions Enron qui ne valent plus que 80 dollars ! Il parle aujourd'hui de revoir les règles de fonctionnement des fonds de pension et le Congrès a ouvert onze enquêtes sur Enron. Qu'en sortira-t-il ? On peut être sceptique quand on sait qu'Enron a été un des principaux donateurs de la campagne de Bush et que 212 des 248 membres des commissions du Congrès chargés de ces enquêtes ont eux aussi touché de l'argent d'Enron.
Mais surtout, ni Bush ni le Congrès ne risquent de s'en prendre au vrai problème qui n'est pas récent. Car si aujourd'hui, Bush est au centre d'un scandale politico-financier, ce n'est pas le premier président des Etats-Unis qui soit ainsi pris la main dans le sac, ni le premier politicien américain. D'ailleurs, cette imbrication des milieux d'affaires et des milieux politiques n'est pas une spécificité américaine. Le scandale est général. C'est cette société qui permet que non seulement les retraites des travailleurs, mais le fonctionnement même de l'économie se trouvent entre les mains de véritable flambeurs.