Utiliser les services d'un cabinet d'audit est une pratique de plus en plus fréquente dans les entreprises. On fait appel à eux, soi-disant pour analyser la situation financière de l'entreprise et le rapport sert ensuite à justifier des suppressions d'emplois, déjà prévues la plupart du temps.

Une autre de leurs tâches est " d'étudier " l'organisation du travail dans les ateliers, pour en conclure là aussi qu'il y a trop de personnel ou qu'il faut faire la chasse aux temps morts.

Air-France a fait appel à l'un de ces organismes, " A.G. Conseil ", pour un audit portant sur l'organisation du service des Docks, au Fret de l'aéroport de Roissy. Le rapport, qui aurait dû rester entre les mains de quelques dirigeants, a circulé largement le mois dernier, et il est tellement insultant que la CGT a décidé de porter plainte pour diffamation.

Après avoir consulté des documents, du haut de leur ignorance du monde du travail, ces messieurs d'A.G. Conseil ont déclaré que les travailleurs des Docks, tout en étant " plutôt bons " professionnellement, forment un " milieu imprévisible " : ils ne sont " pas mobiles du tout, au mépris des règles maison ", ils pratiquent un " deal " permanent, " pour ne pas dire du chantage, car ils savent avoir un pouvoir de nuisance " en risquant de tout bloquer. Sans parler de leur côté " macho " ou des " problèmes d'alcool ". Ainsi, s'il y a beaucoup de dommages-avions, une des raisons serait peut-être que " les gars se dépêchent pour retourner jouer aux cartes, ou que " certains sont en état d'ébriété ".

Les syndicats, la CGT pour l'essentiel, sont décrits avec un style (et une hargne) qu'on aurait cru révolu : " Ils ont une forte emprise sur le personnel par un système occulte de type mafieux : menaces, dégradations, mise au ban des récalcitrants, acceptation de pratiques illégales (alcool, filles dans les locaux) " ! " Et le personnel suit, par peur ou par solidarité ".

Les agents de maîtrise ne sont pas non plus épargnés, surtout la petite maîtrise : " Issus pour la plupart du terrain, ils ne savent pas s'imposer comme chefs (...) et sont plus proches du personnel que de la hiérarchie supérieure. Les véritables sanctions sont rares ". En gros, il leur est reproché d'être incompétents, parce que ce sont d'anciens ouvriers. Pour ces " consultants " qui ne connaissent rien mais savent tout, voilà la tare essentielle.

Le rapport conclut que la direction doit " reprendre la main, en injectant des troupes fraîches au top des compétences en terme de management, et "couillues" " ! Le jargon à la mode à base d'anglicismes n'empêche ni la grossièreté ni la vulgarité.

Inutiles, arrogants, insultants envers les travailleurs, voilà le portrait de ceux qui, au service des patrons, se déclarent être " au top des compétences ".