Russie : Poutine et son "Etat fort"04/01/20022002Journal/medias/journalnumero/images/2002/01/une-1745.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Dans le monde

Russie : Poutine et son "Etat fort"

Depuis deux ans qu'il est arrivé aux affaires, Poutine s'est fait fort de remettre sur pied l'Etat central russe et de remettre de l'ordre dans les rouages de l'appareil d'Etat, notamment en mettant au pas les roitelets locaux de la bureaucratie, gouverneurs des régions et autres présidents de républiques fédérées de Russie.

En cela, Poutine tente de rompre avec la situation créée par son prédécesseur Eltsine, qui s'était hissé à la tête de la Russie en soutenant démagogiquement les forces qui, au sein de la bureaucratie, s'opposaient à l'Etat central, puisque c'était celui de son rival Gorbatchev.

Les déclarations de Poutine tranchent donc sur ce qu'on a connu durant l'ère Eltsine. Mais les résultats se font attendre. Les gouverneurs des régions ne narguent plus le Kremlin, comme sous Eltsine, en affichant leur indépendance, mais le rapport de forces n'a guère changé : à peine Poutine avait-il menacé, publiquement, de destituer les gouverneurs récalcitrants, qu'il les a, discrètement, confortés dans leurs positions en les autorisant à braver la loi leur interdisant de se faire élire pour plus de deux mandats.

Poutine a certes écarté deux magnats (Berezovski et Goussinski) dont l'enrichissement rapide, lié à leur appartenance au clan Eltsine, avait défrayé la chronique de la période précédente. Mais cela, pour faire de la place à d'autres "oligarques" ralliés à son propre clan ou y appartenant. En contrôlant plus étroitement la presse que son prédécesseur, Poutine a, jusqu'à présent, réussi à éviter que ne s'étalent au grand jour les turpitudes de ce petit monde politico- affairiste, mais celles-ci n'ont bien sûr pas disparu. Pas plus que les règlements de comptes sanglants qui accompagnent sa course à l'enrichissement : récemment, un sous-préfet chargé du commerce dans le sud de Moscou a été abattu en plein jour.

Quant aux lois, dont Poutine se veut le champion, elles continuent à s'appliquer, ou plutôt de ne pas s'appliquer, dans le domaine de la propriété et des privatisations, selon les rapports des forces entre les parties en présence.

Fin octobre dernier, Poutine avait fait l'article devant 350 hommes d'affaires occidentaux réunis à Moscou dans un "Forum économique mondial", leur expliquant que le climat des affaires s'était assaini en Russie et que le moment était venu pour eux d'y investir. Un journal russe anglophone s'adressant précisément aux hommes d'affaires occidentaux, le Moscow Times, n'avait pas hésité à le démentir en rapportant, sous le titre "Tout n'a pas la clarté du cristal quand on investit en Russie", les mésaventures russes du numéro Un américain du cristal industriel. Celui-ci, Sawyer Research Products, venait de perdre 8,2 millions de dollars après avoir cru racheter en 1997 une entreprise de ce secteur dans la région de Vladimir. Or les autorités locales avaient rapidement exproprié, sans les indemniser, les investisseurs américains. Et ceux-ci avaient eu beau en appeler aux tribunaux, régionaux puis nationaux, rien n'y avait fait : les bureaucrates de Vladimir soit achetaient les juges, soit ignoraient les jugements leur donnant tort, les autorités russes centrales ne pouvant ou ne voulant intervenir. Comme au "bon temps" de l'époque Eltsine.

Pas étonnant dans ces conditions qu'une revue des milieux d'affaires britanniques, The Economist, ait publié, début décembre, un article intitulé "Les réformes en Russie avancent en cahotant", où elle soulignait le fait que "la bureaucratie et la communauté de corruption unissant le monde de la politique et celui des affaires sont toujours les plus importants problèmes du pays (...) car elles ont beau parler de légalité, en la matière, les autorités de l'Etat (russe) agissent toujours comme bon leur semble".

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