Afghanistan : Après les ravages de la guerre, une "paix" lourde de menaces24/12/20012001Journal/medias/journalnumero/images/2001/12/une-1744.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Dans le monde

Afghanistan : Après les ravages de la guerre, une "paix" lourde de menaces

Plus d'une semaine après que la conquête des grottes de Tora Bora a été annoncée en fanfare, les forces antitalibanes auraient fini par l'emporter. Mais le pilonnage des B52 aura eu beau avoir laissé des centaines de morts dans les décombres des galeries souterraines, les limiers de Washington n'en ont pas moins perdu la trace de Ben Laden. Tout comme d'ailleurs ils ont perdu la trace du mollah Omar, le leader taliban dont ils avaient fait leur ennemi public numéro deux.

Au bilan, en guise de vengeance après les attentats du 11 septembre, Bush n'a donc rien d'autre à présenter à l'opinion publique américaine que le spectacle ignoble des ravages causés par les bombes américaines, contre une population qui n'y était pour rien.

Et c'est sans doute pourquoi les autorités de Washington, avec l'assentiment des autres puissances occidentales, se sont livrées à une telle mise en scène autour de la fameuse vidéo de Ben Laden, découverte à Jalalabad - une vidéo qui est tombée tellement à pic que certains, y compris parmi les partisans de la guerre, ont mis en question sa crédibilité. Bush n'a pu livrer Ben Laden et ses lieutenants à la rigueur des tribunaux militaires qu'il avait préparés pour eux. A défaut, ils les a livrés à la vindicte populaire par médias interposés, dans l'espoir évident de détourner l'attention de l'opinion des milliers d'innocents tués ou estropiés par les bombes américaines, au nom d'une chasse à l'homme qui se solde, pour l'instant en tout cas, par un échec cuisant.

Pendant ce temps, les diplomates occidentaux commencent à se bousculer à Kaboul. Chaque Etat prend ses marques pour occuper le terrain. L'Afghanistan est peut-être un pays pauvre, mais même dans la misère il y a des profits à faire pour les grands groupes, y compris sous le couvert d'une future aide prétendument humanitaire. Et chacun de ces riches Etats qui constituent la "coalition contre le terrorisme", est bien décidé à défendre la part des miettes qu'il estime revenir à ses propres capitalistes.

C'est le sens des marchandages qui continuent à se dérouler à propos de la constitution de la "force internationale de sécurité" prévue par l'ONU. Le gouvernement britannique, fort d'avoir été le plus farouche partisan de l'agression américaine contre l'Afghanistan, entend bien tirer les marrons du feu en en prenant la direction. Tandis que les autres impérialismes de seconde zone, telle la France, font des pieds et des mains pour ne pas être débarqués, tout en s'efforçant de limiter au maximum le coût politique et financier de leur engagement.

Mais surtout, si une chose montre les limites de la victoire militaire américaine en Afghanistan, c'est bien l'attitude du gouvernement intérimaire issu de la conférence de Bonn vis-à-vis de cette force internationale.

Bien que la composition de ce gouvernement ait été très largement dictée par les Etats-Unis, la réalité des rapports de forces sur le terrain n'en demeure pas moins là. Le fait que l'Alliance du Nord ne voit pas d'un bon oeil la présence dans le pays d'une force armée qu'elle ne contrôle pas a suffi à contraindre les puissances occidentales à réduire de moitié (5 000 hommes) les effectifs initialement prévus pour ces forces. Et encore ne s'agit-il pour l'instant que d'un accord de principe, car les conditions du déploiement de ces forces restaient encore à négocier lors d'une conférence prévue à cet effet à Londres, le 19 décembre.

Mais ce qui est plus inquiétant pour l'avenir, c'est l'insistance des dirigeants occidentaux à revendiquer le droit pour leurs troupes, non pas seulement de s'interposer entre d'éventuels belligérants, mais de "maintenir la paix", c'est-à-dire l'ordre, en faisant usage de leurs armes si nécessaire. Mais de quel ordre s'agit-il, sinon celui de l'impérialisme, pour l'instant représenté par une fragile coalition de factions rivales, dont les exactions contre la population en général et tous ceux qui s'opposent à elles, en particulier, sont déjà notoires ?

Après la guerre sanglante que viennent de lui faire subir les puissances impérialistes, la population afghane a tout à craindre d'une telle paix imposée par ses bourreaux d'hier, et en tout cas rien à y gagner.

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